Tout au long de la saison, Mathieu Dubrulle nous livre son opinion sur les performances de l’Amiens SC dans la chronique intitulée le Débrief. Cette semaine, notre confrère de France Bleu Picardie revient sur la défaite à Caen et la sortie d’Andy Carroll, qui a fait réagir dans le microcosme amiénois.
Mathieu Dubrulle à l’image des joueurs et d’Omar Daf, ressortez-vous de ce match perdu à Caen avec des regrets ?
Je ressors de ce match en étant frustré. Il y a un sentiment de frustration, parce que j’ai vu une première mi-temps très prometteuse, avec une équipe d’Amiens qui a bien maîtrisé la situation, qui dégageait une belle énergie. On sentait même un allant, Amiens donnait même le sentiment d’étouffer son adversaire. Il y a eu quelques situations mal exploitées, avec trois-quatre belles possibilités d’ouvrir le score à l’extérieur. Le tout avant de s’éteindre en deuxième mi-temps et de craquer sur un coup de pied arrêté. J’ai l’impression qu’Amiens a laissé échapper une victoire à sa portée. Il y avait moyen d’aller chercher un très bon résultat à Caen. Je suis frustré que cette équipe n’ait pas su garder le même allant en deuxième période, alors que j’espérais qu’ils haussent encore un peu plus leur niveau pour aller l’emporter. A l’inverse, ils ont reculé et le banc a fini par faire la différence, en défaveur d’Amiens.
Justement, en parlant du coaching, avez-vous compris la sortie précoce d’Andy Carroll ?
C’est un changement qui m’a surpris immédiatement, à chaud, dans le commentaire du match. Et même s’il a visiblement parlé de choses et d’autres avec son coach, pendant de longues secondes, se tenant même la main, Andy Carroll a, lui-même, montré sur son visage qu’il était surpris de sortir. C’est un changement qui a suscité beaucoup d’interrogations chez les supporters, avant même la fin du match. Même en tribune de presse à Caen, ça a fait réagir. Sans dire que cela a fait basculer le match, en tout cas, c’est un temps fort de la rencontre. J’ai encore du mal à comprendre et j’aurais aimé qu’Omar Daf s’exprime tranquillement dessus. Depuis la nuit des temps, une conférence de presse est faite pour comprendre le déroulement d’un match, avec le témoignage, l’analyse, des acteurs de la rencontre. Après ça, chacun est libre de se faire son propre avis en écoutant l’explication du coach.
Malheureusement, on n’a pas eu le droit à une explication, ou trop peu. C’est quand même embêtant. D’autant qu’il y a eu des matches où on a vu Andy Carroll un peu perdu à son arrivée, affichant un vrai manque de connexion avec les autres. On a suffisamment appuyé sur l’incompatibilité des attaquants. Là, ce n’était pas vraiment le cas. Il donnait l’impression d’être bien dans son match, à la bagarre, il venait de se créer une grosse occasion. Quand on le sort, il est en train d’exaspérer Romain Thomas et j’avais le sentiment qu’il était en train de prendre le dessus dans son duel, qu’il pouvait faire « péter un plomb » à la défense adverse. Dans son balbutiement d’explication, Omar Daf dit rapidement qu’il était moins bien. C’est dommage qu’il n’ait pas prolongé son explication et non sa justification. Il est le seul à utiliser ce terme. On voulait juste comprendre son choix, qui fait aussi que Carroll n’est plus là pour défendre sur le coup franc qui amène le premier but. Je ne comprends toujours pas le changement opéré à Caen, ni l’attitude d’Omar Daf en conférence de presse à propos d’une question qui méritait d’être posée.
Offensivement, Amiens termine encore un match sans but et même sans le moindre tir cadré. A l’inverse, Caen a été porté par un Alexandre Mendy buteur pour la seizième fois de la saison. Ce match n’a-t-il pas mis en exergue les limites intrinsèques de cette équipe, qui plus est contre un concurrent direct ?
On ne tombe pas de haut après ce match, quand bien même Amiens a arraché quelques victoires au forceps, avec peu d’occasions sur le mois de janvier. On connaît les limites de l’équipe. Tout en étant très heureux des victoires contre Valenciennes, Annecy et Saint-Etienne, on savait bien que ça ne pouvait pas marcher sur la durée. Là, il y a trois occasions, c’est vrai, mais il y a un déficit de poids offensif sur la durée d’une saison. Et quand bien même Amiens dispose d’une bonne défense, à un moment donné ça finit par craquer. On n’a toujours pas trouvé le bon équilibre entre bien défendre, ce que Amiens sait faire et ce n’est pas cette défaite qui va tout remettre en cause, et la nécessité d’être plus tranchant et dangereux offensivement.
Certains joueurs ne dépensent-ils pas trop d’énergie au sein d’une équipe qui défend autant ? Ce qui peut leur faire perdre de l’influx et de la lucidité sur le plan offensif, je pense notamment à (Maxime) Do Couto et (Antoine) Leautey dans les couloirs. Cette défaite ne fait que confirmer ce qu’on sait depuis de longues semaines, malgré l’embellie au niveau des résultats au mois de janvier. Et pour l’instant, le mercato d’hiver n’a strictement rien changé. C’est dommage de ne pas avoir un peu plus de talent offensif pour faire basculer les matches. Dans le coeur du jeu, Gene-Boya c’est costaud, c’est travailleur mais il manque un constructeur. Cela manque un peu de créativité.
Février débute avec un nul et une défaite et trois points de perdus dans les dernières minutes avant de recevoir Bordeaux et d’aller défier Ajaccio. Comment voyez-vous la suite ?
Ce championnat est tout à fait imprévisible ! On avait de quoi être inquiet en voyant l’effectif décimé pour démarrer 2024. Finalement, on sort de cette période avec trois victoires. Tout est possible. Maintenant, il est vrai que l’adversité est plus importante, car au-delà de Bordeaux et Ajaccio, il y aura aussi Laval, Rodez et Angers. C’est une série de gros matches d’ici la dernière trêve. Par rapport à la première partie de saison, on va voir si Amiens a plus de coffre et de carrure pour pouvoir rebondir et ne pas s’enliser dans le ventre mou. Ce genre d’adversité en dira long sur le potentiel de cette équipe à exister ou non dans le haut de tableau.
Propos recueillis par Romain PECHON