L’Amiens SC vient d’achever une saison pour laquelle il est difficile de tirer des enseignements tant elle a pu surprendre et même être déroutante par instants. Ainsi les différentes complexes individuelles et collectives peuvent apparaître contradictoires. Décryptage.
Une équipe bien classée mais jamais brillante
Pour sa quatrième saison dans l’antichambre du football français depuis sa descente de Ligue 1 en 2020, l’Amiens SC a obtenu son meilleur classement en terminant 8e (10e en 2020/2021, 14e en 2021/2022 et 12e en 2022/2023). Les Picards enregistrent aussi un total de pointS record sur ces quatre dernières saisons en dépassant pour la première fois les 50 unités (53). Une performance qui a permis aux hommes d’Omar Daf de ne jamais avoir été en danger de relégation.
Pour autant, l’Amiens SC n’a jamais vraiment été en mesure de se mêler à la lutte pour la montée, ou même les barrages. La faute à un style de jeu minimaliste au possible, se contentant d’un but puis d’une défense à 11 dans la surface dans la grande majorité des cas. L’ASC a réalisé son meilleur classement mais on s’est rarement autant ennuyé. 36 buts marqués simplement, 2ème plus faible total depuis 2020 (34 buts en 2020/2021).
Certes, l’équipe n’a jamais aussi bien défendu (36 buts encaissés mais le nombre de matchs nuls record (17 comme en 2021/2022) – dont neuf 0-0 – ont lassé un stade qui n’a jamais été aussi vide depuis la fin du covid (6953 spectateurs de moyenne cette saison contre 7394 en 2021/2022 et 7759 en 2022/2023).
De bons joueurs, un top buteur mais un collectif sans saveur
Caroll, Kakuta, Corchia, Gélin, Gurtner, Opoku, Chouiar. Tous ces joueurs ont un point commun : ils ont évolué un temps en Ligue 1. La plupart ont régulièrement été titulaires mais n’ont jamais semblé pouvoir s’élever à un niveau de jeu permettant d’y prétendre. Pire, on a l’impression que cette somme d’individualités n’a, à aucun moment dans la saison, résulté d’un collectif bien huilé. La sensation que cette équipe était rouillée dès le début, quand bien même la qualité intrinsèque de chaque joueur la composant aurait fait rougir bon nombre d’équipes en début de saison.
Même au mois de mai, les joueurs ne se trouvaient pas sur le terrain, manquaient d’automatismes. Comme s’ils ne s’étaient pas entraînés cinq jours sur sept durant plusieurs mois ensemble au moment de jouer rapidement, en une touche de balle. Les seules fois où les passes arrivaient à destination, c’était lorsque le jeu allait vers l’arrière où lorsqu’il manquait de vitesse. Omar Daf, en personne, avouait début mai que Louis Mafouta commençait à trouver des automatismes avec ses partenaires (!).

Comme les supporters à la Licorne, les joueurs n’ont pas semblé prendre du plaisir. La peur de perdre le ballon, de mal faire, a rendu le jeu amiénois stéréotypé au possible, dénué de toute prise d’initiative, si ce n’est le lob génial de Caroll face à Annecy, l’un des rares buts inscrits en dehors de la surface cette saison. Si un joueur devait représenter cette ambivalence d’une équipe prometteuse, c’est assurément Louis Mafouta.
Auteur de 15 buts, le numéro 9 amiénois est le meilleur buteur du club sur une saison depuis la descente en Ligue 2. Pourtant, il a raté un nombre incalculable d’occasions (16 « Big chances missed ») qui aurait pu lui permettre d’atteindre aisément les 20 buts. La faute à un contrôle de balle souvent désastreux (10 ballons perdus en moyenne par match) et à un placement discutable, en témoigne sa quarantaine de hors-jeu sur la saison.
Des points là où on ne les attendait pas
Outre les 17 matchs nuls concédés, l’Amiens SC a tout de même remporté quelques matchs, dont certains de prestige. Au total, 12 victoires dont sept sur le score de 1-0, portant le nombre de matchs à un but ou moins à 16 cette saison. Sur ces 12 succès, plus de la moitié ont été acquis à l’extérieur (7/12). C’est d’ailleurs loin de ses bases que l’ASC a glané le plus de points (28 à l’extérieur soit 53%, 25 à domicile soit 47%).
Une anomalie alors que l’on considère généralement le fait de recevoir les adversaires comme un avantage. Encore plus en comparant les saisons précédentes de l’ASC en Ligue 2 : 62% des points pris à la Licorne en 2020/2021, 61% en 2021/2022 et 57% en 2022/2023. Plus alarmant encore, le club picard n’a plus gagné à la Licorne depuis le 27 janvier et achève la saison sur 5 points pris sur 21 possibles sur sa pelouse.
Fort contre les gros, faible contre les petits. Une phrase qui convient parfaitement aux hommes d’Omar Daf cette saison et qui démontre tout le paradoxe qu’a été son équipe cette saison. Face aux quatre premiers du championnat (Auxerre, Angers, Saint-Etienne et Rodez), l’Amiens SC possède un bilan positif ou neutre sur chacune de ces formations. Au total, 4 victoires, 3 matchs nuls et une seule défaite face aux meilleures équipes de la saison.
Etrangement, le bilan face aux quatre relégués (Troyes, Quevilly, Concarneau et Valenciennes) est moins satisfaisant avec 2 victoires, 5 matchs nuls et une défaite. Cela s’explique par la difficulté pour l’ASC de faire le jeu dans les petits espaces face à une défense basse et bien regroupée comme celles des équipes qui jouent leur survie contrairement aux grosses écuries qui prennent les choses en main, permettant d’attaquer en contre.
D’ailleurs, lors de la saison à l’issue de laquelle l’ASC fut rétrogradée, cette dernière tenait tête à Marseille, Lyon et Paris mais n’y arrivait face aux concurrents directs au maintien tels que Metz ou Toulouse à l’époque. Le paradoxe est peut-être donc désormais l’ADN d’un club dont la politique sportive est devenue assez illisible.
Contribution proposée par Simon VASSEUR
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Crédits photo : Daniel Derajinski/Icon Sport