Tout au long de la saison, Mathieu Dubrulle nous livre son opinion sur les performances de l’Amiens SC dans la chronique intitulée le Débrief. Cette semaine, notre confrère de France Bleu Picardie livre son bilan complet à mi-parcours.
Une première partie de saison sans éclats
« A mi-parcours, le bilan n’est pas catastrophique mais décevant. Déjà d’un point de vue comptable, c’est très moyen, à l’image des prestations sur le terrain. Faute de mieux, on se contente du minimum avec cette douzième place. Amiens glisse doucement, décroche des équipes de tête et ne boxe clairement pas dans la même catégorie que les équipes du haut de tableau. Résultat, on a une équipe un peu terne, qui évolue dans le ventre-mou, avec six points d’avance sur la zone rouge. Tout ça donne un bilan sans éclats.
La série actuelle, avec 2 victoires sur les 14 derniers matches est tout sauf un hasard. Les chiffres sont implacables et, sur la durée, sur trois mois de compétition, reflètent les insuffisances de l’Amiens SC. On peut retourner les avis dans tous les sens, c’est indiscutable. Ces chiffres ne sont pas inventés, ils ne sont pas déformés. Ils se suffisent à eux-mêmes pour illustrer les limites de cette équipe. Et si on arrive à se satisfaire de cela, c’est inquiétant pour la suite. A partir de ce contexte, il n’est pas surprenant de retrouver l’Amiens SC à la douzième place.
On peut même dire qu’ils s’en tirent bien, avec toujours six points d’avance sur la zone rouge avec un tel bilan sur 14 matches. On ajoute à ça les 16 buts marqués, seulement, depuis le début de la saison. C’est presque miraculeux de ne pas être relégable dans ce contexte. Aujourd’hui, il y a un vrai constat d’échec et un risque de désaffection, avec un public consterné et de moins en moins nombreux à Licorne. Sans le début de saison flatteur sur le plan comptable, Amiens serait dans la zone rouge aujourd’hui. »
Un scénario qui ne cesse de se répéter
« Il est très décevant – quand bien même on n’est pas naïf – de constater que ce club n’apprend pas de ses erreurs. C’est même pire, l’Amiens SC ne veut pas apprendre de ses erreurs. J’ai vu les visages pétrifiés des dirigeants à la mi-temps du match contre Quevilly en mai dernier. Ils ont eu les jetons de descendre, j’en suis certain ! On pensait que ça allait déboucher sur une prise de conscience, sans même parler de faire sauter la tirelire et dépenser l’argent qu’on n’a pas.
Quand on joue avec le feu, qu’on a failli se brûler, on doit essayer de réajuster les choses, assez intelligemment. Et bah non, c’est reparti avec les mêmes incohérences de recrutement, les mêmes discours éculés en se faisant passer pour un petit club, qui n’a pas les moyens de faire mieux. On a pourtant naïvement cru que la saison dernière allait servir à tirer certaines leçons. Malheureusement, les dirigeants restent dans leur mécanisme, dans leur mode de fonctionnement, quitte à amener ce club droit dans le mur. Même pour les dirigeants, j’ai du mal à croire que leur politique de trading soit encore viable en National. »
Un danger sportif à ne pas éluder
« C’est rébarbatif, mais il faut rappeler aux gens qu’il y a quatre descentes cette saison, c’est énorme. On a beau dire que des clubs comme Valenciennes et Dunkerque sont condamnés, ce qui n’est pas sûr en plus, ils restent encore deux places ! On voit bien qu’on a une équipe incapable de s’arracher sur la totalité d’un match, à une ou deux exceptions près. Cela peut donc être inquiétant si ça continue de plonger au classement et si ça se retrouve à jouer sous pression dans les dernières journées. Pour toutes ces raisons, il faut être extrêmement vigilant !
On fait aussi face à des péripéties dans l’effectif, entre les départs en pleine saison, les blessures et les suspensions. Tout ça donne le sentiment qu’on est toujours fin août, en train de tester des combinaisons, en train de chercher la bonne formule. En janvier, il va falloir jouer sans la défense centrale et Gaël Kakuta, qui partent à la CAN. Offensivement, ce n’est pas possible de continuer comme ça. Ce qui n’est pas rassurant, c’est que le niveau de cette équipe semble régresser d’année en année. On faisait la fine bouche il y a deux ans de cela avec Tolu (Arokodare), (Aliou) Badji, (Kader) Bamba et (Chadrac) Akolo. Aujourd’hui, on rêverait presque de les avoir !
Même au niveau de l’état d’esprit, c’est terne, c’est neutre, sans le petit supplément d’âme. Sous pression, je n’ai pas envie de voir ce que cette équipe peut donner. Le coach n’est là que depuis quelques mois et on sent déjà une lassitude, comme tous ceux avant lui. Il était prévenu mais une fois qu’il a mis les mains dans le cambouis, il se rend compte que c’est encore pire que ce à quoi il s’attendait. A un moment, ce bricolage permanent ne pourra plus tenir. Les choix inconsidérés vont finir par se payer cash. Comment peut-on continuer comme ça avec le poste de latéral gauche qui pose des problèmes depuis la Ligue 1 ? Tout le flanc gauche est en chantier depuis cet été. Il ne faut pas se laisser endormir par les discours qui disent que ça va aller. Des clubs comme Dijon ou Nîmes sont déjà tombés. »
Le mercato synonyme de faux espoirs ?
« Comme tous les ans, on va s’en remettre au mercato d’hiver pour corriger cet effectif plus bancal que jamais. Pourtant, on sait que c’est encore plus dur de bien recruter l’hiver que l’été. L’an dernier, on a bien vu que ça n’avait pas été fameux, Amiens s’est même affaibli. Aujourd’hui, il est quand même crucial de se renforcer. Il y a beaucoup trop de manques dans cette équipe, ne serait-ce que le flanc gauche. Omar Daf a tout essayé, mais personne ne convient. Je ne pense pas que beaucoup de clubs perdent la totalité de leur charnière centrale durant la CAN. On fait quoi du coup ?
On recrute vite pour que les recrues soient opérationnelles dès le début du mois de janvier ? Personne ne croît en cette hypothèse, alors que ce ne serait pas un luxe d’avoir une recrue en défense centrale. Devant, il manque cruellement d’un profil de profondeur, capable d’apporter de la vitesse et de la percussion (ndlr : ce que voulait Omar Daf dès le mois de juillet). Il faut vraiment deux-trois recrues pour redynamiser cette équipe et rallumer un peu la flamme.
C’est difficile mais pas impossible de trouver les bons profils au mercato d’hiver, on peut penser à Saint-Etienne ou Nîmes en Ligue 1 par le passé. On va me dire que Saint-Etienne a un gros budget, mais Amiens n’a pas réalisé des ventes depuis un an ? On peut aussi citer Amiens en 2008, en Ligue 2, avec les arrivées de (Fabrice) Fiorèse et (Carl) Tourenne. Comme quoi c’est possible. »
Quel avenir pour l’Amiens SC ?
« On n’a pas le sentiment que le projet avance. On en vient même à se demander si Bernard Joannin a encore la flamme. Est-ce que le club est à vendre aujourd’hui ? Quelle est son ambition pour le club ? Quel est le projet sportif des dirigeants actuels ? Aujourd’hui, on est clairement dans le flou sur tout ça. Amiens peut-il être un club qui regarde vers le haut ou est-il condamné à regarder vers le bas ? Le début d’année 2024, que ce soit au niveau du terrain qu’en coulisses, serait peut-être un moment clé de ce qui nous attend pour les années à venir. »
La Tribune chaque lundi et vendredi à 18 heures sur France Bleu Picardie
Après avoir fait relâche pendant les fêtes, Mathieu Dubrulle et ses polémistes seront de retour le lundi 8 janvier pour débriefer le 32e de finale de coupe de France ayant opposé l’Amiens SC à Montpellier.