L’Amiens SC doit-il prolonger l’aventure avec Omar Daf ?

En fin de contrat en juin prochain, Omar Daf est actuellement en discussions avec ses dirigeants au sujet d’une possible prolongation. L’Amiens SC doit-il tout mettre en oeuvre pour conserver son entraîneur, qui attend encore des garanties sportives ? Décryptage.

Une mission « impossible » menée à son terme

En l’espace d’un an, Omar Daf a perdu l’équivalent de 17 joueurs pour seulement 8 renforts, dont un (Elyess Dao) qui est déjà reparti. Dans ce contexte, avec un groupe extrêmement rajeuni et toujours moins étoffé au fil de la saison – la faute aux départs d’Owen Gene, Frank Boya et Osaze Urhoghide durant l’hiver – décrocher le maintien à trois journées du terme de la saison s’apparente à un authentique exploit. « Peu d’entraîneurs auraient pu avaler autant de couleuvres, d’être trimbalé de la sorte tout au long de la saison, d’accepter de relever cette mission avec autant de calme« , salue Bruno Paris.

« On sentait que son équipe était souvent en difficulté, mais il a su créer quelque chose en début de saison. Il a fait le bon diagnostic en misant beaucoup sur la préparation estivale pour que son équipe soit prête tout de suite, poursuit notre consultant. On voit bien que les équipes qui ont mal démarré (Caen, Clermont, NDLR) sont aujourd’hui en difficulté. Si on regarde bien son parcours d’entraîneur, il n’a pas toujours eu des challenges faciles. Il a accumulé de l’expérience dans la difficulté. Sa capacité à encaisser les coups fut précieuse.« 

Vers un risque de lassitude ?

Mais comme beaucoup avant lui, Omar Daf semble ressortir lessivé de sa deuxième saison à Amiens, où il a dû composer avec un projet sportif toujours plus flou pour ne pas dire inexistant ces derniers mois. Dès lors, une question se pose : est-il prêt à replonger pour au moins une saison de plus ? « Je pense qu’il a la force de caractère, voire spirituelle, si j’ose le dire, pour le faire, avance Bruno Paris, entraîneur depuis plusieurs décennies. Après ce genre de saison, il y a forcément de la lassitude. Mais quand l’objectif est atteint, en tant qu’entraîneur, c’est tellement bon que ça efface un peu tout ce qui a été mauvais.« 

Pour autant, Bruno Paris juge qu’Omar Daf pourra difficilement repartir sans « certaines garanties sportives » : « Il a suffisamment fait ses preuves pour ne pas vivre une troisième saison du même genre. Il faut arrêter de saigner son effectif à chaque fin de saison. Il faut qu’il y ait quelques changements dans la stratégie du club. Il a suffisamment fait le dos rond pendant la deuxième partie de saison, alors que le club a pas mal joué à la loterie avec l’effectif. J’imagine qu’Omar Daf parle de tout ça avec les dirigeants. Et ils seraient bien inspirés de lui proposer une proposition de contrat et de l’écouter un peu plus. »

Le profil idoine pour Amiens ?

Si Omar Daf a rempli ses objectifs depuis deux ans, les dirigeants amiénois pourraient également être tentés de tourner la page et de se tourner vers un nouveau coach. Une perspective qui n’a pas lieu d’être selon Bruno Paris. « Je ne sais pas si tout le monde l’apprécie à sa juste valeur. Parmi les entraîneurs disponibles ou ceux sur un siège éjectable, qui aurait fait mieux que lui ? Face aux difficultés, malgré l’inconséquence des dirigeants, il a su garder son vestiaire concerné. Bien sûr, il ne s’exprime pas toujours de façon exubérante, il faut parfois lire entre les lignes. Il peut apparaître comme un entraîneur assez raide, mais son efficacité n’est plus à prouver. »

Reste qu’une autre étiquette lui colle à la peau depuis son passage à Sochaux, celle d’un entraîneur défensif qui n’a peut-être pas tiré le maximum des effectifs compétitifs à sa disposition. « Cette année, il a quand même mis des choses en place à la Licorne. On a vu une équipe tournée vers l’offensive, juge Bruno Paris. On pourra toujours me dire qu’il y a eu une part de chance dans les victoires contre Lorient ou Clermont, mais c’était cohérent et Amiens avait la faculté à se créer une occasion à chaque fois qu’il portait le danger dans le camp adverse. Malheureusement, ce sont des choses qu’on n’a pas toujours reconnues à l’extérieur. »

Une crainte réelle de le voir partir ?

Amiens a même souvent été en perdition loin de ses bases. La faute à un Omar Daf rattrapé par certains vieux réflexes défensifs, comme récemment à Clermont ? Le problème résulte davantage de la matière première, à savoir les joueurs, à sa disposition selon notre consultant, qui ne l’exonère pas pour autant à 100% : « Sur certains matches, il faut admettre qu’au bout d’un quart d’heure tout le monde avait compris le plan d’Amiens, à commencer par le staff technique adverse. Après avoir démarré avec un bloc très bas, Amiens finissait par défendre dans ses seize mètres. C’est difficile d’exister offensivement dans ce genre de conditions. C’est aussi les conséquences d’un effectif qui n’a jamais été aussi pauvre. »

Pour autant, Bruno Paris dresse « un bilan très positif » de la saison d’Omar Daf, qu’il craint même de voir sollicité par d’autres clubs durant l’intersaison : « Plus que de se questionner sur le fait de le prolonger, il faut faire attention à ne pas le perdre. Certains clubs ambitieux peuvent s’intéresser à lui. Il commence à avoir de l’expérience et son passage à Amiens lui donne du crédit. Pour Amiens, ce sera plus compliqué d’attirer un entraîneur qui acceptera de vivre autant de moments difficiles« 

Surtout, Omar Daf a prouvé qu’il pouvait être l’entraîneur qui « répond présent pour un club qui se dit : on est prêt à trembler jusqu’à la dernière minute« . « Il faut espérer que tout le monde s’accorde pour repartir avec un projet plus ambitieux, pour offrir un spectacle intéressant. La balle est dans le camp des décideurs, insiste Bruno Paris. En tout cas, j’aimerais voir Omar Daf avec un effectif digne de ce nom« . Reste à savoir si ce sera à Amiens ou ailleurs. Une réponse est attendue courant mai.

Romain PECHON

Crédits photo : Dave Winter/FEP/Icon Sport