Débarqué dans un relatif anonymat en provenance de Biélorussie, Sidi Bane effectue ses premiers pas depuis la mi-août à la Gaillette. Quasiment actée dès la fin de saison dernière, l’arrivée du défenseur sénégalais de 20 ans au RC Lens éveille la curiosité. Découverte.
Du Sénégal au grand froid
« Il n’est pas très connu au Sénégal, sauf dans la ville dont il est originaire », raconte Harold Mendy, journaliste indépendant et suiveur des footballeurs sénégalais. Cette ville n’est autre Pire Goureye, une localité située au nord-ouest du Sénégal à deux heures de Dakar, habitée par un peu moins de 6000 âmes au moment où Sidi Bane voit le jour en janvier 2004. C’est dans le club local, à l’US Pire Goureye, que l’ancien milieu offensif effectue sa formation avant de rallier l’Europe à 18 ans. Le jeune homme, reconverti dans un poste à vocation défensive, est repéré en Turquie par les émissaires du BATE Borisov, club biélorusse historique où il signe au printemps 2022.
Des milliers de kilomètres et surtout des dizaines de degrés séparent Pire Goureye et Borisov. « Comme tous débuts, c’était très difficile pour lui, expose un membre important de son entourage. Un jeune Sahélien qui découvre ce froid glacial… Il avait des soucis pour s’adapter. Après les séances d’entraînement, il ne sortait pas de chez lui. La langue a également été une barrière, mais il s’est vite adapté à cette nouvelle situation. Son passage au BATE Borisov n’a pas été un long fleuve tranquille. Sidi s’est battu pour se retrouver ici aujourd’hui. Il a cru en lui et est devenu un élément incontournable du BATE. »
Après de longs mois d’adaptation, Sidi Bane s’impose dans le onze et n’en sort plus dès octobre 2022. « Son passage en Biélorussie est mitigé pour moi, nuance Harold Mendy. Il a pas mal été blessé (automne 2023 notamment, ndlr) mais lorsqu’il a joué, il a montré ses qualités et son potentiel. Il a eu beaucoup de mal au début puisque changer de pays et de climat aussi jeune, ce n’est pas facile. Il avait aussi la barrière de la langue. Mais ça l’a bien forgé. Je pense qu’il a laissé un bon souvenir sans avoir joué énormément. Et s’il a tapé dans l’oeil de Lens, ce n’est pas pour rien. » Le board artésien avait anticipé pour devancer toute concurrence : dès le printemps dernier, les premiers rumeurs à son égard apparaissent et son transfert est bouclé à la fin de la saison, comme l’assure son entourage, avec un contrat de quatre ans à la clé.
Sidi Bane, un panel complet et un profil polyvalent
Les qualités affichées avec le BATE Borisov ont convaincu le RC Lens d’investir 250 000 euros, d’après les chiffres de Transfermarkt, sur le même modèle que le recrutement d’Abdukodir Khusanov (acheté 100 000 euros en Biélorussie l’été dernier). Et elles sont nombreuses. « Sidi est de la lignée des défenseurs modernes : une très bonne lecture du jeu, un très bon relanceur, teigneux qui n’hésite pas à aller au charbon, liste son proche. En étant milieu de terrain de formation, il a une lecture qui lui permet d’anticiper et de prendre des initiatives. »
Avec un regard forcément plus détaché et objectif, Harold Mendy enchérit : « C’est un droitier qui a aussi un bon pied gauche. C’est un milieu offensif de formation qui a été reculé en milieu défensif puis en défenseur central à son arrivée en Europe. Il joue défenseur central, que ce soit axe gauche ou droit, aussi bien dans une défense à deux qu’à trois. Il a une bonne lecture du jeu et une grosse personnalité. Il est rapide et vif. Il mesure 1,84m mais est bon dans les duels aériens parce qu’il anticipe bien, il a une bonne détente. Il coupe les lignes de passes. Il évitait un peu le duel, mais il a corrigé ce point et sait être agressif sur le porteur du ballon pour l’empêcher de frapper ou même de se retourner. En un-contre-un, c’est difficile pour l’attaquant puisqu’il est rapide tout en étant assez robuste. Il essaye de toujours défendre debout et ne tacle qu’en dernier recours, il ne se jette pas ».
Doté d’une science défensive développée, le Sénégalais n’est pas en reste dans sa proposition avec ballon. « Il sait relancer proprement, que ce soit court ou long, décrypte le suiveur du football sénégalais. Il sait aussi sortir balle au pied et donc dribbler. Que ce soit sous pression ou non, il est toujours calme avec le ballon. Il sait casser des lignes et n’hésite pas à le faire. C’est un danger en transition et il apporte le surnombre. Il doit aussi parfois se canaliser parce qu’il sait qu’il est bon avec le ballon et semble “trop facile”. » Le tout conjugué à une polyvalence non négligeable : « Il peut jouer central et milieu défensif, mais je le vois bien aussi piston pour ses qualités athlétiques. »
Quel rôle au RC Lens ?
Parfaitement francophone, Sidi Bane débarque au RC Lens dans un environnement sans doute plus propice à la performance pour lui. Reste qu’il lui faudra passer le cap qui sépare le BATE Borisov et un club ambitieux de Ligue 1. « Son manque d’expérience au haut niveau sera peut-être gênant au début mais il apprend vite, assure Harold Mendy. Il réglera vite les quelques erreurs qu’il fera. Il est toujours à l’écoute et apprend rapidement . » Personnalité décrite comme « très souriante » et « avec un fort caractère », le Sénégalais, qui n’était pas encore accompagné par l’un de ses proches à son arrivée, semble partager les valeurs familiales des Sang et Or après avoir été « préparé à “l’extrême” au BATE Borisov ».
Un changement de club et de dimension qui va également bouleverser le statut et le temps de jeu de celui qui « n’avait plus rien à prouver au BATE ». « Pour le moment, il vient pour apprendre et il est à la disposition du coach et du staff, éclaire-t-on calmement dans son entourage. Sidi est un joueur de défi et il est conscient des attentes placées en lui. Son objectif est d’avoir la confiance du coach, d’intégrer l’équipe première et de se battre pour être un titulaire indiscutable. Sidi s’est aussi fixé aussi un objectif clair : remporter des titres avec le RC Lens. ».
Il lui faudra d’abord se faire une place sur le terrain, et trouver un endroit pour se frayer un chemin alors que la défense lensoise va devoir se remettre des départs de Massadio Haïdara et, surtout, de Kevin Danso. « Dans le 3-4-1-2, je le vois axe droit en doublure de (Jonathan) Gradit, mais aussi en doublure de Nampalys (Mendy) en 6, projette Harold Mendy. Il sait jouer aux deux postes. Il pourrait gagner sa place en seconde partie de saison pour moi, le temps de prendre le rythme et de bien s’adapter au système, même s’il a déjà eu l’habitude de jouer à trois au BATE Borsiov. Le plus important est surtout qu’il enchaîne et soit en confiance. »
En plus des titres à Lens, l’objectif de la sélection
S’il devra faire son trou afin de poursuivre son développement, le RC Lens a tout du terreau idéal pour la jeune pousse sénégalaise. « Pour moi, Lens est un très bon choix, lance le journaliste sénégalais. La Ligue 1 est un très bon championnat pour s’aguerrir, il parle français. Le système à trois, il connaît, c’est un joueur polyvalent. Il n’aura pas trop de pression et pourra se développer. Il pourrait même jouer l’Europe, de quoi engranger encore plus d’expérience. » Le tout avec un objectif en tête comme le confie son proche : « Jouer en équipe nationale du Sénégal, c’est son plus grand rêve ».
« Sidi a failli jouer pour les U20 du Sénégal lors du dernier Mondial (en Argentine, en mai-juin 2023, ndlr), mais le coach (Malick Daf, ndlr) n’a pas finalement fait appel à lui, regrette-t-on dans son entourage. Un choix que le coach n’arrive toujours pas à expliquer car ayant en tête qu’il avait avec lui l’un des meilleurs défenseurs du Sénégal. Avec le RC Lens, Sidi va vers un autre palier. S’il confirme tout le bien qu’on pense de lui, il sera bientôt avec l’équipe nationale A. Ses qualités peuvent lui permettre de s’imposer en club et d’être appelé en équipe nationale. »
Harold Mendy acquiesce : « À mon avis, il pourrait rapidement connaître la sélection A s’il gagne sa place à Lens. À son poste, (Kalidou) Koulibaly et (Abdoulaye) Seck sont encore présents mais vieillissants et donc sur la fin. Le sélectionneur n’hésite pas à convoquer des jeunes pour préparer l’avenir, on l’a vu avec Mikayil Faye, Abdoulaye Ndiaye ou encore Lamine Camara ». Trois joueurs qu’il aura l’occasion de croiser sur les pelouses de Ligue 1, et peut-être dès dimanche à Monaco pour le dernier nommé. Avec les yeux de tout Pire Goureye braqués sur ses premiers pas et, il l’espère, bientôt ceux de tout le Sénégal.
Enzo PAILOT
Crédits photo : RC Lens