A l’occasion d’une audition devant le Sénat, dans l’optique de faire le point sur la financiarisation du football français, le président du RC Lens, Joseph Oughourlian, a tenu à défendre le deal passé avec CVC et avancer une thèse sur le montant des droits TV du football français.
Joseph Oughourlian défend la Ligue dans son conflit avec Canal+
« Si vous pensez que nos plans sont, aujourd’hui, trop optimistes, allez regarder le plan de Mediapro en 2018, il est fantaisiste. Il prévoyait 4 millions d’abonnés en 2 ou 3 ans. C’était Jean-Michel Roussier (ndlr : actuel président du Havre), qui vient nous donner des leçons aujourd’hui. Je veux bien tout entendre, mais il faut aussi recadrer. En 2018, Canal+ n’était pas là. Ils sont entrés dans la procédure en mettant 1 euro. Ils ont fait ça pour sortir des enchères et aller de gré à gré. C’est tout à fait respectable. Dans les affaires, rien n’interdit de faire ça. Ils ont fait le pari de dire : beIN n’est pas là, RMC n’a plus d’argent, Orange a abandonné depuis longtemps… On est tous seuls et on va donc tuer l’enchère. C’est une stratégie. La Ligue a choisi ce qu’il y avait. La Serie A a peut-être été plus sage, refusant en voyant que Mediapro n’offrait pas la garantie (financière). Ils ont été sur un autre diffuseur. »
Un jeu de dupes permanent
« Regardez les déclarations, tant de Canal, que la Ligue, on est dans le monde des affaires. On envoie de la fumée. Quand on regarde bien ce qui se passe, on se rend compte que tous les chemins mènent à Canal. C’est le diffuseur, qui est là depuis 30 ans, ils ont les abonnés. On est dans une situation de monopole naturel. Vous êtes à une table de poker, vous êtes à dire que vous avez une bonne main et l’autre en face vous dit qu’il a une très bonne main. Ce n’est pas un endroit d’enfants de coeur, où les gens se font des cadeaux, ce sont des négociations très âpres. Il ne faut pas être naïf sur ce coup-là. »
Quelle valeur pour la Ligue 1 ?
« C’est difficile de déterminer un prix quand on a une situation naturelle de monopole. Le football français en général, il est extrêmement attractif. C’est pour ça que les fonds entrent, que CVC entre. Cela devrait vous réjouir de voir des capitaux étrangers entrer dans les clubs car, malheureusement, trop peu de français investissent. Quand on n’a pas de situation de monopole, ça donne Nike qui augmente le contrat avec la FFF, passant de 50 à 100 millions. McDonalds double le contrat d’Ubereats sur celui de la LFP. Ce ne sont pas des sociétés qui ne font pas leur chiffres, qui ne comprennent rien à rien.
Ils trouvent que le football français, ça vaut deux fois ce que ça valait il y a quelques années. C’est donc compliqué de trouver le prix juste dans ce type de négocations. D’autant plus que, dans notre métier, le prix détermine le produit. Vous nous donnez plus d’argent pour nos droits, on investit dans nos clubs. Ils performent mieux en Europe, ils sont plus attractifs, il y a plus de gens qui regardent nos clubs à la télévision. C’est comme ça que ça marche. C’est ce que les Anglais ont compris il y a 30 ans. »
Une chaîne 100% Ligue 1 « made in LFP » viable ?
« Je ne vais pas dévoiler de secret par rapport aux discussions actuelles. C’est délicat de commenter pendant les négociations, on n’a pas envie de dévoiler toutes nos cartes. Le plan présenté est infiniment plus raisonnable que ce qui avait été présenté à l’époque de Mediapro. Mediapro n’avait que 80% des matches de la Ligue 1, ils n’avaient pas les meilleurs d’ailleurs, que beIn Sports a pris puis Canal (NDLR : Canal+ n’a jamais eu les 10 meilleurs affiches de la saison entre 2020 et 2024). Si on met pour la première fois, tous les matches de la Ligue 1 sur une chaîne, on peut raisonnablement espérer avoir moins de confusion et que le consommateur s’y retrouve. »