Fraîchement promu en Ligue 1 et même assuré du titre de champion avec l’AJ Auxerre, Christophe Pelissier s’apprête à effectuer son retour au stade de la Licorne, vendredi (20h45) à l’occasion de la 37e journée de Ligue 2. Cinq ans après un départ mouvementé, sans avoir eu la possibilité de dire au revoir au public amiénois, l’actuel entraîneur du club bourguignon aborde l’événement avec sérénité et ambition. Entretien.
Christophe Pelissier, cinq ans après votre départ de l’Amiens SC, vous vous apprêtez à faire votre retour à la Licorne. Dans quel état d’esprit abordez-vous ces retrouvailles ?
Cela va me faire drôle. Dans le football professionnel, on a tendance à changer de club plus régulièrement et à revenir, ce qui m’est arrivé avec Lorient l’an dernier. Là, pour x raisons, ça fait cinq ans. C’est à la fois long et, en même temps, j’ai l’impression que c’était hier. Revoir la Licorne, ce stade magnifique, beaucoup de personnes que j’apprécie, ça va faire quelque chose. Sur le plan émotionnel, c’est important. J’espère ne pas me tromper de vestiaire (sourire).
A l’époque, vous n’aviez pas vraiment eu l’occasion de dire au revoir au public. Le regrettez-vous encore aujourd’hui ?
Quand on a connu ce qu’on a tous connu à Amiens, que ce soit l’ensemble du club, les supporters, j’aurais aimé pu dire au revoir d’une autre manière sur le dernier match. Sachant que ça s’est fait après le dernier match, j’ai eu le droit à ce départ. C’est aussi le football professionnel qui est comme ça. Maintenant, il n’y a ni amertume ni rancoeur J’avais fait cinq ans, c’était peut-être la fin d’un cycle aussi. A un moment donné, il faut bien prendre en compte l’environnement dans lequel on évolue. Cela a fait du bruit parce que j’avais rempli les objectifs, comme à Lorient, même au-delà. Après, il y a des choix qui sont faits.
Vous allez retrouver la Licorne avec une tribune entièrement réservée aux supporters d’Auxerre. Ce n’est pas sans rappeler un certain Reims-Amiens en 2017, même si l’enjeu est différent. C’est là encore un clin d’oeil du destin…
A part qu’il n’y a pas d’enjeu sur ce match pour nous. C’est quand même différent. Par contre, quand je suis monté avec Luzenac de National en Ligue 2, le match d’après était à Amiens. Déjà. Quand il restait quatre matches, qu’on voyait comment ça se profilait un peu, j’avais dit à certains dirigeants d’Amiens qu’on allait venir jouer un match qui allait coûter cher. Finalement, ce n’est pas le cas. Tant mieux pour nous. A l’époque, il y avait encore la possibilité d’accrocher les playoffs pour Amiens. Je pensais que ça allait être un match avec un très gros enjeu. De notre côté, ça nous va bien.
L’enjeu est nul, mais la motivation est quand même au rendez-vous à Auxerre ?
On a à coeur de montrer qu’on est un beau championnat. Il reste deux matches, celui à Amiens et la réception de Concarneau. On veut montrer que notre place est logique par rapport à ce qu’on a fait toute la saison. Il y a aussi cet engouement autour du club. Il va y avoir plus de 3 000 Auxerrois qui font le déplacement pour un match sans enjeu. C’est incroyable. Cet engouement est surprenant. A Amiens, c’était compréhensible. Le club se construisait, il n’avait jamais connu ce niveau (ndlr : Ligue 1). Là, il faut savoir de quel club on parle, c’est Auxerre, qui a gagné des titres, qui a joué la Ligue des Champions à l’époque de Guy Roux.
Cet engouement est surprenant à vos yeux ?
L’an dernier, on pouvait comprendre avec la Ligue 1, les adversaires. Cette saison, on a tout de suite senti un engouement pour l’équipe. Pourtant, on fait un début de saison plutôt moyen, perdant notamment contre Amiens. Je me rappelle du deuxième match à Bordeaux, il y a plus de 1 000 personnes. C’est impressionnant. Auxerre est une petite ville de 35 000 habitants et le club est le poumon économique de la ville. J’ai vu des gens pleurer de joie samedi. On a vraiment le sentiment d’avoir donné un bonheur immense à tous ces gens.
Le fait d’être descendu et d’avoir été privé de Ligue 1 pendant dix ans, cela a généré un vrai manque. Il y avait de l’attente, mais on a su transformer ça en pression positive. J’ai la chance d’avoir un groupe extraordinaire en termes d’état d’esprit. Même dans les moyens difficiles, quand il y a eu de la pression, ce groupe a su répondre présent. Cet engouement génère aussi une responsabilité immense, car le plus dur commence maintenant, même si c’est déjà difficile de remettre la machine en route après une descente. Depuis lundi, on prépare les deux derniers matches et on est déjà sur la préparation de la saison prochaine.
En quoi cela a-t-il été si dur de relancer la machine après une descente. On voit que les clubs ont de plus en plus de mal à remonter immédiatement ?
Il fallait faire comprendre aux joueurs que la Ligue 1 était terminée. Pour exister en Ligue 2, il faudra faire encore plus d’efforts, parce qu’on sera l’équipe attendue. Les deux premiers mois sont très difficiles. Sur les trois premiers jours de reprise, j’ai eu 7-8 joueurs dans mon bureau qui ne voulaient pas rester. Ils voulaient rester en Ligue 1. Et ça, ça dure jusqu’au 31 août. Il faut réussir à les mettre dans un projet collectif rapidement, sinon le début de saison peut être compliqué. Un gros boulot a été fait par l’ensemble du club, l’ensemble du staff, pour remettre tous les joueurs dans le droit chemin. Il y a aussi eu de bons gars, attachés à l’AJA. Le public a aussi joué son rôle avec énormément de monde à l’entraînement, tous les jours, notamment l’été. On s’est servi de ça pour mettre les joueurs devant leurs responsabilités, leur rappeler qu’ils ont des droits et des devoirs. On a aussi changé le projet de jeu, avec un projet très ambitieux. On voulait garder les joueurs concernés. Il y a aussi eu un travail de dialogue, de management, qui est lourd.
Quand on vous écoute, on a le sentiment que vous avez trouvé l’environnement idoine, aussi bien l’écosystème du club que le vestiaire. Que le projet de l’AJA cette saison était en adéquation avec le projet de vie et le projet de jeu de Christophe Pelissier…
On a construit ça tous ensemble, au fur et à mesure. Qu’on dise qu’on identifie que cette équipe est l’équipe de Christophe Pelissier, c’est important. Il y a deux mois de cela, un journaliste local est revenu sur le fait qu’on avait un jeu défensif la saison dernière, alors que c’était incroyable cette saison, avec 68 buts marqués, des attaques de partout. J’ai toujours aimé ça, mais il faut prendre en compte le rapport de forces. On savait qu’on allait avoir un rapport des forces qui pouvait nous être positif cette saison, à condition de mettre les joueurs dans les bonnes conditions, tactiques, mentales et physiques. Notre travail était là. Il y a donc un énorme travail derrière tout ça.
Résultat des courses, Auxerre est promu et champion à deux matches de la fin, après avoir gagné 20 matches, avec la meilleure attaque et la deuxième meilleure défense du championnat, sans parler du fond de jeu. Est-ce votre saison référence à la tête d’un club ?
On m’a parlé de mes trois montées en Ligue 2. J’ai fait trois ans en Ligue 2 et je suis monté à chaque fois. On m’a demandé les différences entre ces trois montées. A Amiens, on n’est pas attendu, on est le promu. On va la chercher à la force du poignet. La deuxième est différente, la saison est arrêtée à cause du Covid. Celle-ci, tout est maîtrisé. A tous les matches, il s’est passé des choses. Quand on est coach, qu’on met en place des choses en début de saison et que pratiquement tout a marché, c’est agréable. Surtout, il n’y a pas eu panique. Quand on perd contre Amiens, un match qu’on ne mérite pas de perdre, même si on est maladroit dans le dernier geste, qu’Amiens défend bien, il n’y a pas d’affolement derrière. On est sûr de notre projet de jeu et on axe là-dessus. On avait perdu ce match mais, sur la durée, on savait que ça paierait. A condition que les joueurs soient sûrs de cela.
Plus récemment, vous avez perdu deux matches de suite contre QRM et Rodez, juste à l’amorce du sprint final. La sérénité était-elle identique ?
C’est différent. Tout ce que je leur dis trois semaines avant est en train de se passer. Partout, on entendait qu’Auxerre était à 99% en Ligue 1. Derrière, l’environnement du football se met en route, les agents commencent à appeler, pour des renouvellements, pour ci, pour ça. Je martèle dans le vestiaire que ce n’est pas fait. Je prends l’exemple de la saison avec Amiens, et ça tombe bien car j’ai Donovan (Leon) dans le vestiaire qui était à Brest. A six matches de la fin, on va à Brest, ils ont huit points d’avance et ils sont quasiment assurés de la montée en cas de victoire. Finalement, on gagne, on termine la saison avec six victoires et on monte. De son côté, Brest n’est même pas dans les trois à la sortie. En plus de ça, l’adversaire est motivé à l’idée de recevoir le leader, il faut toujours sa meilleure performance contre nous.
A ce moment-là, on s’est mis à vouloir défendre quelque chose, à jouer un peu contre-nature. Sur ça, on n’est pas bons, ce n’est pas notre ADN. Le lendemain de Rodez, je leur dis simplement qu’on a une semaine à trois matches, que si on retrouve notre ADN on va faire des performances. A l’inverse, si on continue comme ça, on ne va pas gagner un match. Les joueurs prennent conscience de ça et on fait une première mi-temps exceptionnelle contre Laval. A Dunkerque, on est mené à la mi-temps contre le cours du jeu et on ressent beaucoup de calme et de sérénité dans le vestiaire. J’insiste en leur disant qu’ils sont sur le bon chemin. En seconde période, on met trois buts et on confirme contre Paris. Dans ce championnat, on ne peut pas se permettre de baisser le degré de concentration.
Vous avez évoqué vos trois montées en trois saisons de Ligue 2, qui plus est avec trois clubs différents. On sait que le monde du football aime bien mettre les gens dans des cases. Ne craignez-vous pas d’être réduit à l’entraîneur qui fait monter les clubs, comme ça a pu être le cas de certains de vos homologues dernièrement ?
Derrière les montées, il faut ajouter que j’ai fait quatre maintiens, deux avec Amiens, deux avec Lorient. C’est quand même important. Pour revenir à la question, peut-être. Maintenant, j’estime avoir la légitimité suffisante. J’ai reçu beaucoup de messages, notamment de joueurs que j’ai eu, pour me dire que je retrouvais le championnat que je n’aurais pas dû quitter. C’est pour ça que je n’espère plus faire de montée. L’idée est de me stabiliser en Ligue 1 avec un club.
C’est la prochaine étape pour vous et l’ensemble de votre staff…
Quand on arrive à faire deux saisons en se maintenant avec Amiens ou Lorient, on peut déjà parler de stabilité. Maintenant, il y a des choix de clubs. On aspire aussi à avoir un club en Ligue 1 qui aspire à jouer autre chose que le maintien. Il faut avoir de l’ambition, on en a. Certains coaches peuvent aller dans des clubs, je pense qu’on a aussi la légitimité pour le faire, pour entraîner des clubs qui jouent un peu plus que le maintien.
Cela peut aussi être le projet d’Auxerre, un club historique du football français…
Oui, bien sûr. Quand on est promu, il faut aussi faire les choses par étapes, surtout dans un championnat à 18 encore plus compétitif. Il faut déjà bien préparer la saison prochaine, qui s’annonce très difficile. A terme, Auxerre a la chance d’avoir une histoire, un public et un investisseur. On va monter avec le sixième budget de Ligue 2, ce qui veut dire qu’on a surperformé. Il faudra faire la même chose la saison prochaine, en Ligue 1.
Pour revenir à l’Amiens SC. Quel regard portez-vous sur l’évolution du club, que vous aviez laissé en Ligue 1 et qui végète aujourd’hui dans le ventre mou de la Ligue 2 ?
C’est difficile de juger quand on n’est pas dedans, je ne vais pas m’y hasarder. Je trouve qu’Amiens est une très bonne équipe, malgré ce que j’ai pu lire ou entendre. C’est quand même la deuxième défense du championnat, cela veut dire qu’il y a un état d’esprit. Les blessures, dont celle de Gaël (Kakuta), ont fait que ça n’a sans doute pas autant marqué que prévu. C’est ce qui fait défaut aujourd’hui. J’ai le souvenir du match contre Bordeaux, qu’Amiens aurait dû gagner, avec de nombreuses occasions manquées, avant de se faire égaliser à la fin. Après nous, c’est l’équipe qui a le moins perdu, mais il y a aussi beaucoup de matches nuls. Les saisons se jouent à rien. Ce sont des dynamiques. Le tournant de la saison d’Amiens est la réception de Pau, quand Amiens mène 2-0 et perd 3-2. S’ils gagnent ce match, je pense qu’ils sont actuellement en lice pour jouer les playoffs. C’est une équipe costaud, de qualité. Avec le passage à 18, ça va devenir de plus en plus dur d’être en haut. Pour autant, je pense qu’Amiens a son rôle à jouer en tant que solide club de Ligue 2, et franchir le cut l’année où ça se passe bien. On sait aussi que la stabilité, aussi bien au niveau de l’entraîneur ou de l’effectif, est un gage de réussite.
Cinq ans après votre départ, n’avez-vous pas le sentiment que votre ombre plane encore au-dessus de la Licorne, avec un retour très attendu de la part de beaucoup de monde ?
Pour le moment, non. Peut-être que je vais m’en rendre compte vendredi. Si c’est le cas, c’est très touchant. C’est pour ça que je parle de côté émotionnel important à l’approche de faire mon retour à la Licorne, cinq ans après. De là à ce que mon ombre plane… Ça va tellement vite dans le football. En tout cas, on sera associé, tous, à la première montée en Ligue 1 du club. On l’a écrit dans le marbre, personne pourra changer ça. J’espère que le club retrouvera un jour cette joie-là.
Tous propos recueillis par Romain PECHON
Crédits photo : Iconsport
Merci à Christophe d’être honnête et de reconnaitre qu’il était en fin de cycle à l’ASC, ce que peu de supporters ont compris…On inverse souvent le paradigme, mais quand CP reçoit le coup de fil de BJ entre Noel et l’an 2014, il a été au départ retoqué de l’ASC, il est au chômage, il va avoir 50 ans et son nom (à peine prononcé pour la saison de Luzenac) commence à tomber dans l’oubli … Il y a eu très peu de changement de coach cet hiver là, sans la proposition de l’ASC il serait devenu quoi à votre avis?
Donc sans rien enlever à ses qualités de coach, il faut aussi de la réussite dans ce métier quand on a pas de CV à quasi 50 berges (ni de coach ni d’ancien joueur) . Sa chance à lui a été l’ASC (bien avant ce que ça soit réciproque) , tu m’étonnes qu’il soit ému, l’Histoire n’a pu s’écrire que par ce coup de fil inattendu qui a bouleversé sa vie et l’a basculé dans un club pro de la 20eme ville de France!
Après il a pris sa chance et a fait un boulot de grande qualité : bravo à lui!
Grand coach!
Bravo Monsieur Christophe Pelissier,
je serai vendredi à la Licorne pour vous remercier de ce que vous avez fait pour l’ASC et pour les émotions inoubliables que vous nous avez procuré.
Ce sera également l’occasion d’un pied de nez au Président et son ami JW qui vous ont viré de façon indigne.
Vivement vendredi.
Que des bons souvenirs lors de votre passage à AMIENS.merci CHRISTOPHE PELLISSIER.
Bravo Mr Pélissier, nous vous regrettons.
Pourquoi J.W n’est pas parti.
Supporter d’Amiens depuis 50 ans, prësennt à Reims vous nous avez apporté la plus grande joie de ces années.
Super content de votre montée avec Auxerre, je serai avec Amiens mais jamais je n’oublierai pas votre séjour à Amiens.
Merci encore
Merci Monsieur Pélissier pour tout le bonheur apporté à l’ASC!!
A jamais le premier !!
5 ans que l’ASC cours après ce glorieux passé.
Super de voir Auxerre remonter avec Sainté, du club qui ont fait rêver par le passé !
J’espère voir un jour Auxerre en coupe d’Europe avec Monsieur Pélissier sur le banc, ce serait mérité. Encore bravo pour la belle saison de l’AJA… Pendant ce temps là l’ASC, la Ligue 1,on la verra sur le canapé.
Un jour à la Licorne… peut être !!