Débarqué d’Amérique du Sud afin de combler un poste de piston gauche décimé en cet hiver, Jhoanner Chavez arrive entouré d’incertitudes tant son profil est méconnu en Europe. Joueur au parcours semé d’embûches et à l’année 2023 délicate, l’Équatorien semble pourtant parfaitement convenir au RC Lens et ses exigences. De quoi voir 2024 sous de meilleurs auspices pour le jeune homme de 21 ans ? Découverte.
En Équateur, une formation de référence et un palmarès bien garni
Malgré les cinq heures de route qui séparent Francisco de Orellana, son lieu de naissance, et Sangolqui, Jhoanner Chavez n’a pas échappé aux prestigieux radars d’Independiente del Valle. Un centre de formation cinq étoiles où ont été choyés Moises Caicedo (Chelsea, 22 ans), Piero Hincapie (Bayer Leverkusen, 22 ans) et Kendry Paez (futur Chelsea, 16 ans), pour les plus connus, rejoint à 12 ans par le nouveau Sang et Or et qui l’a mis le nouveau sur les rails du football professionnel, de la sélection – qu’il côtoie depuis les U17 – et du succès.
Avec Independiente del Valle, Jhoanner Chavez a déjà bien rempli sa jeune armoire à trophées. Vainqueur de la Copa Libertadores U20 – équivalent de la Youth League en Amérique du Sud – en jouant un rôle mineur (1 match) en 2020, il devient champion d’Équateur chez les A l’année suivante après s’être imposé dans le couloir gauche du 3-4-2-1 d’IDV. Et pour couronner le tout, en plus de la Coupe d’Équateur, Independiente del Valle décroche la Copa Sudamericana en 2022, l’équivalent de la Ligue Europa sur le continent sud-américain. Une consécration qui attise les convoitises de l’étranger.
Au Brésil, une erreur de casting et un coup d’arrêt
Ainsi, à l’hiver 2023 et après avoir découvert la sélection A de l’Équateur quelques semaines auparavant, Jhoanner Chavez rejoint l’EC Bahia contre trois millions d’euros, un investissement considérable pour un club brésilien. D’autant plus que celui-ci est un promu habitué à faire l’ascenseur entre la première et la seconde division. Pour autant, le choix du latéral équatorien est loin d’être anodin : en rejoignant Bahia, Jhoanner Chavez intègre le giron du City Football Group et ses passerelles facilitées vers l’Europe (Manchester City, Gérone, Troyes, etc).
Avant de rêver de Vieux Continent, l’ancien d’IDV doit faire ses preuves ailleurs qu’en son pays. Et l’aventure brésilienne s’avèrera rapidement décevante. Incapable de trouver sa place dans une défense à quatre nouvelle pour lui à ce niveau, l’Équatorien est prêté six mois à Independiente del Valle dès l’été suivant. L’occasion de se refaire la cerise, de reprendre quelque peu confiance en lui et de taper dans l’œil du RC Lens, qui a officialisé ce mardi son prêt de six mois avec une option d’achat obligatoire évaluée à 3,5 millions d’euros.
Un profil Haise-compatible
« Il correspond parfaitement au style de jeu lensois ». C’est par ces mots, Garyncha, scout spécialisé sur X (ex-Twitter), présentait le recrutement de Jhoanner Chavez par le RC Lens dans son large descriptif du joueur. « Il possède des qualités physiques naturelles au-dessus de la moyenne, étant rapide, explosif, agile et doté d’une bonne taille, dépassant le mètre 80, détaille-t-il. Il a un bon volume de jeu pour répéter les efforts dans le couloir et une belle patte gauche. Techniquement, c’est plutôt propre, même s’il peut encore largement progresser. »
Et malgré ses difficultés dans une défense à quatre et « quelques errements », « des fautes inutiles » et des « sautes de concentration », « défensivement, il est difficile à passer en un contre un avec sa vitesse ». En somme, un joueur qui semble parfaitement identifié pour les besoins et les exigences de Franck Haise. « C’est le même genre de profil que Deiver Machado, en plus rapide, moins costaud et un poil plus offensif », ajoute Garyncha auprès du 11 Lensois. Et point important soulevé par le scout quand l’on connaît l’importance des « finisseurs » aux yeux Franck Haise : « En rentrant en fin de match, il peut faire mal avec sa vitesse ».
Frédéric Hébert, coordinateur sportif du RC Lens qui a fait de Jhoanner Chavez la première recrue de son mandat débuté à l’automne, résume le profil du joueur sur le site du club : « un pur piston gauche » qui est « un contre-attaquant très rapide », « puissant et impactant sur les premiers mètres » avec « des axes d’adaptation et de développement » sur lesquels le RC Lens va « tout mettre en œuvre pour l’accompagner ».
À Lens, un apport immédiat envisageable ?
Le RC Lens et ses dirigeants l’avaient annoncé : compte tenu des blessures de Deiver Machado et Massadio Haïdara, du prêt courte-durée de Faitout Maouassa et du vieillissement relatif à ce poste, recruter un piston gauche jeune correspondant au projet de jeu sang et or était la priorité absolue de l’hiver. Pour autant, Jhoanner Chavez pourrait bien demander du temps avant d’apporter au RC Lens. « C’est un joueur avec un certain potentiel qu’il faudra relancer pour le remettre sur les bons rails, note Garyncha sur X. Et il faudra faire preuve de patience, car arriver en plein hiver dans le Nord pour un Sud-Américain n’est jamais évident. »
Le scout nous précise : « Mentalement et en termes de confiance (après son année 2023 délicate, ndlr), il ne doit pas être au top. Je pense qu’il va lui falloir plusieurs semaines d’adaptation avant de venir concurrencer Deiver Machado. » L’unanimité au sein du club n’en reste pas moins grande. « Chacun sait que le Racing, à travers l’approche tactique de Franck Haise, a fait de l’intensité dans son jeu, notamment ses couloirs, un principe clé. L’arrivée d’un jeune piston international qui affiche un gros volume de jeu et un profil de contre-attaquant s’inscrit dans cette philosophie », analyse Arnaud Pouille, directeur général du RC Lens.
Et de conclure : « Au-delà des qualités du joueur et du besoin que nous avions à ce poste, cette signature revêt une symbolique particulière, Jhoanner est en effet le premier joueur équatorien à signer au Racing Club de Lens. Bienvenue en Sang et Or Jhoanner ! » L’accueil est chaleureux malgré des températures glaciales, et les présentations sont désormais faites. « Ce n’est pas un talent de classe mondiale, mais il a quand même un bon potentiel », conclut Garyncha. Ne manque qu’à Jhoanner Chavez de le faire fructifier dans l’Artois.
Enzo PAILOT
Crédits photo : Franklin Jacome/Getty Images