Président du district de la Somme, Pascal Tranquille a accepté de réagir après le terrible incident ayant émaillé le week-end de football avec cette agression d’un arbitre à l’issue d’un match de la catégorie U17. Dans l’attente d’une sanction prise par sa commission de discipline, il plaide pour une sanction exemplaire au niveau fédéral à l’encontre des deux joueurs concernés et annonce un futur dépôt de plainte au sujet des parents incriminés. Entretien.
Pascal, quelle est votre réaction à cette terrible agression d’un arbitre à l’issue d’un match U17 entre Salouël et Albert le week-end dernier ?
Ca va être instruit par la commission de discipline. On va prendre connaissance du dossier et je vais demander à être présent lors de la commission parce que j’ai cette faculté et je vais être invité. Nous allons déposer une plainte. J’ai pris attache auprès de Maître Combes. Je lui ai demandé de nous orienter vers le bon dispositif. Des informations que j’ai actuellement, on va être sur deux actions puisque le dossier va être scindé en deux. Deux licenciés ont été identifiés ainsi que deux personnes non licenciées. Il y aura des choses convergentes pour certaines personnes et qui seront faites en parallèle pour les autres.
Quand tu n’es pas licencié, tu n’es pas justiciable par rapport aux règlements fédéraux, d’où l’intérêt de déposer une plainte, très probablement auprès du procureur de la République. Les sanctions encourues sont importantes, je ne sais ce qu’il en sera au final mais je sais qu’on ne veut pas de ce genre de comportements. On va prendre une décision exemplaire qui sera juridiquement blindée et inattaquable. Ils pourront faire tous les appels qu’ils veulent, ça ne servira à rien, tout en sachant que le club ne fera pas appel. Pour moi, c’est la bonne décision.
Avez-vous pu échanger avec la victime ?
Je l’ai appelé, c’est quelqu’un de très intelligent, un bon gamin. Sur le coup il a pensé à ne plus arbitrer mais il a maintenant une autre attitude et pour deux personnes qui n’ont pas été correctes, il sait qu’on a plus de vingt mille licenciés qui sont plutôt corrects. La morale de cette histoire, s’il y en a une, c’est de dire que ça peut arriver à tout le monde, même dans un club qui a bonne réputation et qui est plutôt partenaire de nos actions au District. C’est comme un accident de la route. Mais attention, ce n’est pas excusable. On peut tout faire pour que ça se passe bien, mais ça peut déraper à un moment, et c’est ce qui s’est passé.
Si les gens veulent guerroyer, ils font deux mille kilomètres à l’Est et ils trouveront matière à s’employer mais sur nos terrains, ce n’est pas possible, ce n’est pas la guerre, c’est du jeu.
A titre personnel, sachant que la décision sera prise par la commission de discipline du district dans la stricte application d’un cadre juridique, quel type de sanction prônez-vous pour ce genre de violence ?
Je suis favorable à une décision qui marque le coup, en sachant que ma réflexion est multiple. Ca fait deux ans que c’est compliqué pour les raisons que l’on sait. On n’a pas pratiqué, puis ensuite une pratique vraiment chaotique. Tout le monde a fait des efforts pour reprendre dans les meilleures conditions possibles, on a essayé d’accompagner les clubs qui ont fait ce qu’ils ont pu pour que l’activité football reprenne. Aujourd’hui, où est le plaisir quand on agresse un arbitre ? Il ne peut pas y en avoir. Si les gens veulent guerroyer, ils font deux mille kilomètres à l’Est et ils trouveront matière à s’employer mais sur nos terrains, ce n’est pas possible, ce n’est pas la guerre, c’est du jeu. L’enjeu ne peut pas dépasser le jeu et ce n’est plus tolérable.
En France, on est en perte d’arbitres, on en a perdu cinq mille depuis dix ans et il faut se poser les bonnes questions. Ca vient du comportement des gens qui ne sont pas sur le terrain, que ce soit éducateurs ou spectateurs. Ensuite, on doit résoudre un paradoxe. On a des joueurs qui sont en formation et il faut que l’on accepte l’erreur. On l’accepte pour les joueurs, mais les arbitres le sont aussi, et ils ont également le droit de se tromper, comme tout le monde. Il faut espérer que quelques années plus tard, ils ne fassent plus ces erreurs. Mais parfois, les joueurs en font toujours.
Faut-il suspendre à vie les auteurs de violence ?
Il faut savoir que juridiquement, c’est impossible de les suspendre à vie, on n’a pas le droit. Par contre, l’idéal serait une sanction avec extension aux autres fédérations. Ce serait une vraie mesure forte. Le mec qui déconne, c’est terminé. Quand certains individus sont des menaces pour la société, il faut les écarter, c’est notre responsabilité de réfléchir en ce sens. Alors oui, ce que j’ai dit est radical, mais cette femme qui a agressé l’arbitre, aurait-elle aimé que ce soit son fils uniquement parce qu’il est arbitre ? Ce sont des gamins du même âge ! Ce genre de comportement dépasse l’entendement. Oui, j’ai joué, j’ai déjà râlé après des arbitres, bien sûr, je ne suis pas un saint. Parfois, ils n’étaient pas bons, parfois c’était moi mais ça s’est toujours bien fini. Qu’en sera-t-il demain ? Si l’arbitre ne siffle pas un pénalty, on l’aligne contre un mur et on le fusille ? Si les gens ne veulent pas faire de sport, ils n’en font pas, ce n’est pas un problème, on n’a pas besoin de ces gens-là. Ou alors ils font un sport où ils peuvent mettre des coups, mais ils vont en prendre aussi et ils verront ce que c’est.
Même s’il a rapidement pris des sanctions à l’encontre des deux joueurs à l’origine de l’incident, le club de Salouël peut-il être sanctionné par la commission de discipline ?
Il y aura une sanction qui sera appliquée dans le cadre de nos règlements quant à ce type d’évènement à l’encontre du club. S’il doit y avoir une amende, il y en aura une, si c’est l’encadrement de matches, ce sera fait. Ce serait dommage d’en arriver à des matches à huis-clos pour des U17, ça n’a aucun sens. Le foot a une dimension familiale, et si des parents ne peuvent pas venir voir leur enfant… Après il y a cette confusion dans la tête de certains qui pensent que leur enfant est le futur Mbappé ! Il faut juste que les gamins et gamines prennent du plaisir à jouer. Quand je me déplace sur des matches de jeunes, je leur dis qu’ils doivent prendre du plaisir parce que c’est le meilleur endroit. Je regretterai toute ma vie le temps où j’étais sur le terrain. Ma passion est intacte mais parfois on se demande si le jeu en vaut la chandelle.
Au niveau du district, à quelle suite d’évènements faut-il s’attendre désormais ?
Le club de Salouël a fait ce qu’il faut en excluant les deux joueurs et ils ne peuvent plus jouer. Si le club avait soit couvert, soit pas prononcé d’exclusion, on aurait prononcé une mesure conservatoire jusqu’au passage en commission parce qu’ils ont le droit de se défendre, comme tout le monde, même s’ils n’ont pas laissé l’opportunité à l’arbitre de le faire. C’est la loi et on la respectera. Maintenant, ça va dépendre de la vitesse avec laquelle les rapports vont arriver, tout en sachant que l’on a pas mal d’éléments de la part du club. On ne va pas perturber l’arbitre non plus, on va discuter avec lui. On fait une réunion entre élus du District et des responsables de l’arbitrage pour décider des mesures à suivre. Je vais plutôt appeler à la raison et l’apaisement. Dit autrement, je ne suis pas favorable à la pénalisation de vingt-et-un mille licenciés en arrêtant les championnats pour deux individus. Mais si on doit en arriver là, on le fera, avec toutes les conséquences que ça aura.
Tous propos recueillis par Romain PECHON avec Adrien ROCHER
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