A 26 ans et après quatre années à l’AC Amiens, Miri Siradjidini a décidé de donner une nouvelle destinée à sa vie en ne misant plus uniquement sur le football. Désormais salarié en usine, le latéral gauche ne pouvait plus continuer sa carrière en National 3. De quoi l’amener à saisir la main tendue par Benoît Sturbois pour aller aider l’Amiens Portugais dans sa quête de podium en Régional 2. Entretien.
Miri, pourquoi rejoignez-vous l’Amiens Portugais ?
J’ai reçu un coup de fil de Ben (ndlr : Benoît Sturbois), on a échangé sur la possibilité de travailler ensemble. Ca tombait bien parce que je réfléchissais depuis un certain moment à mettre un peu le football au second plan. Depuis quelques semaines, je travaille et ça commence à devenir compliqué de conjuguer ça avec les contraintes du National 3. Sur la deuxième partie de saison, j’ai fait des semaines sans pouvoir m’entraîner et ça devenait difficile de jouer, je pouvais uniquement être sur le banc et jouer des poignées de minutes ou même ne pas être convoqué du tout. Je sais aussi que je ne vais pas devenir Ballon d’or, j’ai donc préféré miser sur le professionnel pour m’assurer un avenir. Je veux continuer au football pour prendre du plaisir tout en continuant à évoluer à un bon niveau et la proposition des Portugais est tombée au bon moment. Ben m’a aussi présenté un projet de jeu très intéressant, je connais quasiment tout le monde, je sais que je vais bien m’y sentir. C’est exactement ce que je cherchais pour la saison prochaine.
C’est donc avant tout un choix de vie…
C’est totalement ça. Je n’ai pas quitté l’AC Amiens parce que je voulais partir du club. C’est juste que ça ne devenait plus compatible avec le reste de ma vie. J’ai 26 ans, ça devenait important de se projeter et de penser à la suite, de penser à ce qui allait me faire manger au quotidien. Je vais avoir des revenus fixes tous les mois. Et ma décision a été prise au fur et à mesure de la saison, quand j’ai vraiment constaté que je ne pouvais pas allier les deux.
Je me suis retrouvé au milieu des machines, je rentrais chez moi avec les doigts coupés. Jusqu’ici, mes doigts me servaient juste à tenir des ballons pour faire des touches (rires)
On imagine que ce n’est pas simple de faire ce choix quand on a longtemps rêvé à une carrière professionnelle en faisant un cursus complet au sein d’un centre de formation…
Je ne dirais pas que c’est dur. Dès mon arrivée à l’AC Amiens, je savais qu’il fallait tourner la page au plus vite. On ne sait jamais ce qui peut arriver, mais ça devenait déjà difficile. Avant ça, j’avais un contact pour aller jouer en D2 suisse mais ça ne s’est pas fait en raison de tests physiques non concluants. J’ai été faire un essai en National 2 à Epinal mais je n’ai jamais eu de retour du coach. Ensuite, j’étais tout proche de rejoindre Dunkerque qui évoluait en National à l’époque avec la possibilité d’intégrer le groupe de l’équipe première tout en jouant avec la réserve qui était en National 3. Financièrement, on n’a pas réussi à trouver un terrain d’entente. A partir de là, j’ai saisi la main tendue par Azouz (Hamdane, ndlr : entraîneur de l’AC Amiens). Je me suis entraîné avec eux dans un premier temps pour garder la forme, puis je me suis senti bien au contact du groupe. J’ai donc été voir le coach pour lui faire part de mon envie de rester au club. A ce moment-là, je n’ai même pas calculé pour savoir si j’avais la possibilité d’aller jouer plus haut. Je voulais juste jouer au football. Aujourd’hui, ma décision est finalement dans la lignée de ça.
Et comment vivez-vous ce changement de vie, avec le travail désormais prioritaire ?
C’est la première fois que je travaille réellement dans ma vie en plus (rires). Je n’ai pas choisi le plus simple non, je travaille en usine et je fais les 4×8. Me lever à trois heures du matin pour commencer à travailler à cinq heures, c’est tout nouveau pour moi et c’est loin d’être simple au départ (rires). Au début, je me suis un peu demandé ce que je faisais là ! Je me suis retrouvé au milieu des machines, je rentrais chez moi avec les doigts coupés. Jusqu’ici, mes doigts me servaient juste à tenir des ballons pour faire des touches (rires). Aujourd’hui, tout se passe bien, j’ai pris le rythme. Tout ça m’ouvre aussi les yeux sur plein de choses, se lever tous les matins pour aller travailler et gagner l’argent qui va nourrir sa famille, ça donne aussi du sens à ce qu’on fait. Je ne me lève pas le matin pour rien, je sais qu’au bout j’ai quelque chose. J’ai même envie de dire que je commence à prendre du plaisir.

Quand on voit l’Amiens SC aujourd’hui en Ligue 2, qui donne du temps de jeu à de jeunes joueurs parce que le contexte et la politique sportive sont différents, n’avez-vous pas le sentiment d’avoir appartenu à une génération un peu sacrifiée et victime de la double montée en Ligue 1 ?
Quand on regarde les jeunes qui jouent aujourd’hui et notre génération (ndlr : 1996-1997), je pense qu’on avait aussi beaucoup de talent. On est juste tombé au mauvais moment, on a manqué un peu de chance. On est arrivé en fin de cycle de formation au moment où l’équipe était en Ligue 1. Le coach Pelissier ne voyait pas d’avenir pour nous au club et, avec du recul, je pense qu’on n’avait pas le niveau pour évoluer en Ligue 1. Le choix est donc compréhensible, même si on n’a pas eu notre chance pour être vraiment jugé. On est arrivé trois ans trop tard, quand ils étaient en National et qu’ils se cherchaient un peu, ou bien trois ans trop tôt avec un club qui se restructure aujourd’hui en Ligue 2. Après c’est sans regret, je continue mon petit bonhomme de chemin tranquillement.
Quel bilan tirez-vous de vos années passées à l’AC Amiens ?
Un très bon bilan. J’ai eu la chance d’avoir un très bon coach, qui m’a fait évoluer. Je l’ai remercié pour tout ce qu’il m’a apporté durant les quatre ans passés à l’AC Amiens. J’ai beaucoup appris durant ce passage, autant sur le plan du football que sur le plan humain. Même par rapport à mon départ, je pense qu’il l’a senti venir. On avait eu une discussion quand j’ai passé des entretiens pour trouver du travail. Il m’a même poussé à aller au bout de ce projet. Le coach a été très compréhensif, je le remercie aussi pour ça.
Je passe le football au second plan mais je n’oublie pas de m’investir non plus.
Votre aventure avec le football va donc se poursuivre avec les Portugais et la notion de plaisir au cœur de tout…
Je vais jouer au football pour prendre du plaisir avec des copains, sans pour autant perdre la notion de compétitivité, de concurrence, l’envie de gagner, l’enjeu du match le week-end. Je viens aussi pour m’inclure dans un projet, aider l’équipe, pas pour faire le touriste ou consommer les séances comme dirait le coach Azouz. Je viens avec un bon état d’esprit, je travaille désormais, je passe le football au second plan mais je n’oublie pas de m’investir non plus. J’ai commencé une préparation physique pour ne pas arriver hors de forme à la reprise aux Portugais. Je ne compte pas négliger le football, même si ce ne sera plus au premier plan. Collectivement, je veux aider les Portugais à aider une meilleure place que l’an dernier.
Sur le papier, l’Amiens Portugais semble s’en donner les moyens avec le recrutement réalisé…
Bien sûr. Comme vous l’avez dit, c’est très prometteur sur le papier mais c’est sur le terrain que ça se passe. On va aussi rencontrer quasiment que des équipes du Nord, qui sont également bien équipées. On sait aussi que face à ce genre d’adversaire le moindre relâchement se paie cash. Si on se bat pas les uns pour les autres, si on ne met pas le pied dans les duels, on se fait marcher dessus. Par contre, si on prend aucune équipe à la légère on peut faire une belle saison. Je pense aussi que ça peut être très intéressant. Plus les années passent, plus on a des équipes avec des schémas de jeu clairs, avec des entraîneurs diplômés qui parlent football à leurs joueurs, même à ce niveau de la compétition. Si on prend Longueau en Régional 1, je pense que Sébastien Léraillé leur a parlé football sur l’ensemble de la saison.
Tous propos recueillis par Romain PECHON
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