Luigi Mulazzi (Amiens SC) : « Cette saison aura été parmi les plus délicates »

Mulazzi Amiens SC
Dave Winter/Icon Sport

Après sept années dans le board de l’Amiens SC, Luigi Mulazzi a décidé de tourner la page et de céder ses fonctions de président-délégué à la fin de la saison, comme évoqué depuis plusieurs mois sur notre site. Après avoir expliqué les raisons de son départ puis dressé le bilan de son passage à la tête du club, Luigi Mulazzi évoque la saison écoulée qu’il estime décevante à bien des égards à l’occasion de la troisième et dernière partie de notre entretien exclusif.

Luigi, il y a un an vous déclariez : « Là où il faudra nous juger c’est l’année prochaine, pas cette année qui est faussée dans tous les coins ! C’est l’année prochaine qu’il faudra nous juger ! ». Aujourd’hui, quel bilan faites-vous de cette deuxième saison de Ligue 2, la première du nouveau « cycle d’ambition et de conquête sportive » évoqué par Bernard Joannin ?

Vous avez raison de le rappeler. Je considère toujours qu’il ne faut pas prendre en compte la première année, celle qui a suivi la descente. Par contre, je n’avais pas forcément mesuré le travail de reconstruction nécessaire. Je le reconnais, c’est une erreur de ma part. Pour digérer une descente, je pense qu’il faut au moins deux ans. Il faut tout remettre à niveau, à commencer par les contrats des joueurs, on avait encore dans notre masse salariale certains contrats de joueurs signés en Ligue 1 (ndlr : Bongani Zungu et Eddy Gnahoré notamment). Ces deux ans nous ont permis de se remettre dans les clous de la Ligue 2, notamment sur le plan financier.

On voit que tous les clubs ou presque, Toulouse ayant joué les premiers rôles tout de suite, ont du mal à gérer une descente de Ligue 1 en Ligue 2…

Il y a un gouffre entre la Ligue 1 et la Ligue 2, beaucoup plus qu’entre la Ligue 2 et le National. Ce sont deux championnats professionnels mais ce sont deux mondes différents. Et ce n’est pas que financier, la marche est énorme entre les deux championnats. On avait encore des joueurs recrutés pour la Ligue 1 qui n’étaient pas faits pour jouer en Ligue 2. Maintenant, les décisions sont prises pour repartir de l’avant après avoir souffert pendant deux ans.

Cette saison 2021/2022 de l’Amiens SC, qui pourrait bien être moins bonne que la précédente sur le plan comptable, vous la jugez forcément décevante ?

Oui, on ne va pas se cacher. On ne peut être que déçu de notre rendement. On pouvait faire nettement mieux, remporter bien plus de matches, même si je n’oublie pas certains remporter sur quelques actions alors que c’était difficile. On va terminer bien loin de nos objectifs, on ne peut vraiment pas être satisfait de cette saison.

Le principal enseignement à tirer de cette saison, c’est aussi la nécessité de s’organiser rapidement, de constituer l’équipe pour le début de saison

On est bien loin de l’ambition top 5 évoquée en début de saison…

En début de saison, je croyais sincèrement en notre capacité à réaliser une belle saison. Il y avait une nouvelle énergie au sein du club avec l’arrivée de Philippe (Hinschberger), le recrutement de joueurs spécifiques pour la Ligue 2 et je pensais que ces ingrédients étaient les bons pour nous permettre de viser le top 5. Finalement, l’osmose n’était pas totale au sein du groupe. Le principal enseignement à tirer de cette saison, c’est aussi la nécessité de s’organiser rapidement, de constituer l’équipe pour le début de saison pour ne pas courir après les points perdus sur les premiers matches. Il faut aller plus vite dans la construction de l’équipe.

Votre entraîneur a aussi beaucoup pointé l’indiscipline de son groupe au cours de la saison. L’Amiens SC ne s’est-il pas perdu dans le recrutement des joueurs mais aussi et surtout dans le profil des individus recrutés ?

On est bien d’accord ! On ne recrute pas que des C.V., on recrute aussi et avant tout des hommes ! Il faut que les joueurs recrutés incarnent une certaine mentalité en adéquation avec le club. Je pense que ce n’est pas la peine d’en dire plus, tout le monde comprend là où je veux en venir. Cette saison 2021/2022 aura été parmi les plus délicates, c’est une certitude.

Délicate dans quels domaines ? 

Dans à peu près tous les domaines. Devoir sanctionner des joueurs trop souvent parce qu’ils sont indisciplinés, parce qu’on a pris nos responsabilités, ce n’est jamais plaisant. Sportivement, ça n’a pas été suffisant et humainement, ça n’a pas été si simple que ça.

Mulazzi Amiens SC
Luigi Mulazzi à Monaco à l’occasion du quart de finale de coupe de France en février dernier (Johnny Fidelin/Icon Sport)

De l’extérieur, on a parfois eu le sentiment que le club a manqué un peu d’autorité, laissant le coach seul en première ligne par moments…

C’est une fausse impression. On ne voulait pas s’éparpiller dans la presse en évoquant les sanctions prises à l’encontre des joueurs. C’était une saison difficile, mais je peux vous assurer que les joueurs fautifs sont passés dans mon bureau. Cette saison doit nous amener à revenir à l’identité qui a fait la force de l’Amiens SC.

Cette identité peut-elle être incarnée par la personnalité cash et assez joviale de Philippe Hinschberger ? 

Bien sûr ! C’est quelqu’un que j’apprécie, j’aime sa personnalité. Il est à la fois humain et cash, c’est quelqu’un de loyal et d’honnête. On partage un certain nombre de valeurs. Je pense que c’est l’entraîneur idéal pour porter le projet. Il est aussi en phase avec les valeurs de notre territoire, je pense qu’il peut s’identifier à celui-ci et que les Picards peuvent s’identifier à lui.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de miser sur lui il y a un an pour entraîner l’Amiens SC ?

Avant tout, je tiens à dire que j’appréciais Oswald (Tanchot). C’est un type que j’apprécie beaucoup, il s’est juste passé des choses en interne (ndlr : de fortes dissensions avec le responsable du recrutement) qui resteront au sein du club. A partir de là, il fallait du changement et on a vite porté notre attention sur le profil de Philippe. Il regroupait beaucoup de qualités qui étaient essentielles à nos yeux.

Je rêve que le club remonte en Ligue 1. Je rêve qu’une nouvelle aventure démarre et qu’elle embarque tout le monde.

N’avez-vous pas peur que cette saison, au cours de laquelle il a fait part de son agacement à plus d’une reprise, puisse laisser des traces ?

La saison a été très longue et difficile pour lui. En arrivant à Amiens et après avoir vécu une belle saison à Grenoble, il ne s’imaginait pas vivre une telle saison, devoir se bagarrer pour se sortir de la zone rouge. D’un point de vue psychique, ça n’a pas dû être simple pour lui. Sa communication de fin de saison, c’est sa personnalité, c’est son côté cash. Le maintien était acquis, il restait peu de matches, il a pu un peu plus se lâcher qu’en début de saison.

Vous n’avez pas senti de tension dans les premières réunions de préparation pour la saison prochaine…

Aucune. Philippe est quelqu’un qui prépare bien ses interventions, il y a toujours de la continuité dans sa communication. Il ne laisse rien au hasard. Je suis convaincu que le club est entre de bonnes mains avec lui.

Comment voyez-vous l’avenir à court terme de l’Amiens SC ?

Je rêve que le club remonte en Ligue 1. Je rêve qu’une nouvelle aventure démarre et qu’elle embarque tout le monde, qu’on revive de très beaux matches à la Licorne. Pour revivre des émotions, il faut retrouver une identité et l’entreprise se portera au mieux. Identité, émotion et entreprise, ce sont les trois ingrédients essentiels pour vivre de belles choses.

Tous propos recueillis par Romain PECHON

Pas de tour d’honneur pour la dernière de Luigi Mulazzi

Le 2 novembre 2019, Luigi Mulazzi réalisait son tout dernier tour d’honneur en Ligue 1 après la victoire de l’Amiens SC face à Brest (1-0). (Dave Winter/Icon Sport)

En attendant l’ultime match de la saison samedi à Auxerre, l’Amiens SC a disputé sa toute dernière rencontre devant son public le week-end dernier avec une défaite à la clé face au Paris FC (1-2). De quoi empêcher Luigi Mulazzi de faire son célèbre tour d’honneur célébrant chacune des victoires à domicile de l’Amiens SC ces dernières années. Au bord des larmes après la rencontre, le futur ex-vice-président du club s’est exprimé depuis la tribune présidentielle : « J’aurais aimé qu’on gagne, parce que c’était mon dernier match ici. Par contre, je suis heureux de revoir le stade aussi plein, j’ai l’impression d’être de retour en Ligue 1. Soyons aussi nombreux dans le futur pour remplir ce magnifique stade. »

Des aurevoirs émouvants pour un personnage qui n’aura laissé personne indifférent, pas même Philippe Hinschberger qui ne l’aura finalement côtoyé qu’une seule saison mais qui fera scander son nom par les supporters ayant envahi la pelouse après le coup de sifflet final.

R.P.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *