Quelques jours après le très remarqué entretien croisé de Joseph Oughourlian et Franck McCourt, respectivement propriétaires du RC Lens et de l’OM, dans les colonnes du Figaro, Olivier Létang estime que ce genre de sortie médiatique est plus néfaste qu’autre chose. Selon le président du LOSC l’heure est à l’unité et non pas aux règlements de comptes personnels, dans l’optique de sortir le football français de la crise. Entretien.
Quel est votre point de vue à propos de ce qui se passe actuellement au niveau des instances, la LFP pour ne pas la nommer, alors qu’un mouvement de fronde a été initié par le RC Lens et l’OM ?
C’est un point que je voulais de toute façon aborder. Je pense que le fait de se critiquer publiquement ne fait pas avancer le débat. Je ne vais pas revenir sur les droits télés, je me suis exprimé, on a une situation aujourd’hui qui est très complexe, mais je n’étais pas au conseil d’administration quand il y a eu la gestion des dossiers précédents. C’est trop facile de toujours critiquer quand on connaît la fin du film. Je pense qu’il faut qu’on soit solidaires. Je répète aussi, peut-être que certains sont un peu amnésiques, toutes les grandes décisions ont été prises par les clubs. Je n’étais pas d’accord pour sortir du contrat DAZN. A quel moment acceptez-vous de lâcher 350 millions d’euros ? Ce n’est pas pour ça que je vais critiquer, je me veux solidaire de tout le monde.
Je ne brigue aucun mandat, je n’ai aucun agenda personnel. Ma priorité c’est le LOSC et il y a déjà beaucoup beaucoup à faire
Olivier Létang, le président du LOSC.
Deuxièmement, je pense à l’intérêt collectif et au football français. Je ne brigue aucun mandat, je n’ai aucun agenda personnel. Ma priorité c’est le LOSC et il y a déjà beaucoup à faire, et vous savez tous comment on a récupéré le club il y a maintenant cinq ans. Le LOSC était 109e club européen en 2020. Sur la période 2020-2025, le LOSC est le 26e club européen et le deuxième club français. Ce qui veut dire qu’on fait partie des grands clubs et en tant que grand club, on doit effectivement participer à l’oeuvre collective, avec tous les autres, à ce que l’on améliore le football professionnel français ou le football français. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai accepté de rentrer au conseil d’administration de la Ligue en septembre 2024 pour encore une fois participer, contribuer à mon niveau à ce que l’on s’améliore.
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On a des combats à mener. Le premier sur les revenus. On va avoir un certain nombre d’informations sur ce qui se passe en termes de revenus au niveau de la chaîne et la façon dont sont générés ces revenus par rapport aux charges. Il faut qu’on ait une gestion saine de l’argent de la Ligue et donc de l’argent des clubs. In fine, ce qui est important ce sont les revenus qui sont générés mais aussi les charges. On a un conseil d’administration lundi, on devrait avoir un peu plus d’informations sur ce qui se passe, le nombre d’abonnés, les revenus et ce qui va ruisseler vers les clubs. Dans l’intérêt de tous les clubs, parce que les clubs de Ligue 2 sont en très grande difficulté.

Ensuite, il y a la gouvernance. Je n’ai pas envie d’évoquer des cas personnels. Il faut que cette gouvernance de la Ligue évolue, sans en faire une affaire de personne. Si j’ai décidé de participer à ce qui se passait dans les instances, ce n’est pas pour faire de la politique. C’est pour mener en place des opérations, en tout cas mettre en place une vision d’administration. Comme on l’a fait ici, à Lille, où on était dans une situation d’un club qui était en liquidation. Aujourd’hui, on est un des clubs, un des modèles les plus vertueux de France. On est des décisions à prendre mais, encore une fois, il ne faut pas les mettre sur la place publique.
Il faut aussi se poser une question. L’an dernier, la France a terminé troisième ou quatrième pays en termes de performance dans les compétitions européennes. Et, finalement, vous êtes le seul grand championnat qui n’a pas de diffuseur. Pourquoi ? Pourquoi un acteur comme Canal+, que je ne critique pas, refuse de venir dans le football aujourd’hui ? Il faut aussi s’interroger par rapport à ça. On a aussi un autre sujet qu’il faut aborder c’est celui du piratage. Aujourd’hui c’est une catastrophe et un cauchemar pour le football, le sport, mais aussi pour d’autres secteurs d’activité. Il y a des outils, on ne pourra pas les mettre en oeuvre, nous, simplement club de foot. On a besoin du législateur, il doit intervenir sur des sujets comme ça.
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Je ne suis pas là pour critiquer, j’ai vu que certaines personnes avaient évoqué mes positions. Mes positions, elles sont très claires, elles sont dans l’intérêt du football, prendre des décisions. La priorité c’est le LOSC. OK pour m’investir, pour qu’on mette en place des choses ensemble et pas seul, et qu’on tire le football professionnel français vers le haut.
Certains clubs réclament le retour de la Coupe de la Ligue. Qu’en pensez-vous ?
C’est un sujet dont on a parlé. Je comprends que pour des clubs simplement avoir 34 matchs de championnat d’une saison, ce n’est pas assez. En ce qui concerne le calendrier, je me suis déjà positionné. J’ai tiré la sonnette d’alarme sur le nombre de matches. Il faut qu’on fasse attention à la qualité de notre produit et de nos matches. Si vous prenez les joueurs internationaux, comment voulez-vous qu’ils soient performants toute une saison quand ils font 60 ou 70 matches ? On est arrivé au bout d’un système en termes de match.
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Il faut que les gens qui sont à la tête des institutions se demandent pourquoi ils sont à la tête de ces institutions, pour des raisons purement économiques ou pour des raisons sportives. Il faut qu’on limite le nombre de rencontres jouées par les joueurs. Aujourd’hui il y en a beaucoup trop et quand vous demandez à un joueur de jouer tous les trois jours en permanence, d’un point de vue physique, d’un point de vue psychique, c’est impossible. Le joueur ne peut pas être performant tout le temps. Ça fait partie effectivement des choses qu’il faut évoquer. Mais prenons soin du football, du jeu football, du spectacle football et prenons soin des acteurs aussi. Je pense que c’est important.
Le risque n’est-il pas de continuer à creuser le fossé entre les grands clubs et les autres ?
Il faut se poser des questions, parce qu’on est dans un cercle vicieux aujourd’hui. Si vous regardez les droits télés français par rapport aux droits télé anglais, je l’ai dit lors du dernier Conseil d’administration, aujourd’hui on est quand même dans un toboggan. Pour le LOSC, c’est à peu près 8 millions et demi de droits télés. Si je parle d’un club auquel on a vendu un joueur cet été, Bournemouth, c’est 220 millions de droits télés aujourd’hui. Ce que nous réalisons aujourd’hui en Europe est extraordinaire. Continuer à performer en ayant des moyens comme ceux que nous avons, c’est extraordinaire.
Je ne brigue aucun mandat, je suis pour aider à ce que l’on professionnalise la façon dont on approche et on gère le football professionnel français.
Olivier Létang, président du LOSC.
Je ne dis pas effectivement que tout va bien, bien évidemment. Aujourd’hui, il y a une situation très complexe pour les clubs. C’est complexe, on n’est pas là pour se plaindre, on est là pour trouver des solutions. Donc on le fait au niveau des clubs et moi je suis à disposition. Et encore une fois, je n’ai aucune ambition personnelle, je ne brigue aucun mandat, je suis pour aider à ce que l’on professionnalise la façon dont on approche et on gère le football professionnel français.
Propos recueillis par Enzo PAILOT avec Romain PECHON
Crédits photo : Daniel Derajinski/Icon Sport
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