Confronté à la défaillance de Mediapro, qui devait verser un peu plus de 800 millions d’euros par saison jusqu’en 2024, le football français traverse une véritable zone de turbulences depuis plusieurs semaines. Et la situation pourrait bien se dégrader encore un peu plus d’ici la fin du mois de janvier. Explications.
Canal+ joue la montre
La peur de l’écran noir. Longtemps hypothétique, cette finalité est aujourd’hui bien réelle. En quête d’un nouveau diffuseur depuis près d’un mois, la Ligue de football professionnel (LFP) n’a toujours pas trouvé le moindre accord avec Canal+ et beIN Sports, grands favoris pour prendre la relève de Téléfoot, qui doit définitivement cesser d’émettre au 31 janvier. En attendant, la chaîne du groupe Mediapro continue donc de diffuser « gratuitement » huit matches de Ligue 1 et de Ligue 2 à chaque journée de championnat. Une situation qui ne laisse pas insensible Maxime Saada, le directeur du service des sports de Canal+, à l’occasion d’un entretien accordé au Figaro : « Après avoir provoqué le plus grand drame de l’histoire du football français, et ne plus avoir payé aucun droit depuis le 5 août, Mediapro continue de diffuser 80% des matchs. Ce n’est pas acceptable. »
Ligue 2 : Téléfoot garde encore la main
Dès lors, Maxime Saada avance une alternative : le recours au Pay per View, le paiement à l’acte, dans l’attente d’un nouvel accord : « Nous allons proposer à la LFP une solution technique universelle qui permettra à tous les Français, abonnés ou non à Canal+, de suivre les matchs en Pay per view (paiement à l’acte). Bien sûr, Canal+ reverserait l’essentiel des recettes à la LFP, et donc aux clubs. ». Aussi intéressante soit-elle, cette proposition demeure temporaire et bien loin des attentes de la Ligue, en quête d’un diffuseur sur le long terme pour couvrir la défaillance de Mediapro. Surtout, Canal+ ne semble pas décidé à accélérer le mouvement, estimant que « la Ligue 1 a perdu beaucoup de valeur » ces derniers mois. La chaîne cryptée a même annoncé qu’elle allait restituer à la Ligue son lot de matches et qu’elle souhaitait voir l’intégralité des rencontres remise en vente via un nouvel appel d’offres.
Ligue 1 : Canal+ casse son contrat avec la LFP !
Martelant depuis 2018 et le résultat de l’appel d’offres que la Ligue 1 avait été surévaluée, Canal+ ne souhaite pas procéder à une négociation de gré à gré – comme espéré par la Ligue – pour ne pas « réinvestir à perte dans le football », précise Maxime Saada. « Nous sommes finalement arrivés à la conclusion côté Canal+ qu’il était dans l’intérêt pour toutes les parties prenantes de passer par un appel d’offres. Nous pensons que la Ligue 1 est subventionnée depuis de nombreuses années. Aucun diffuseur n’a réussi à la rentabiliser. Ni TPS, ni Orange Sport, tous deux disparus, ni beIN Sports, ni Mediapro, ni même Canal +. » Et si le marché s’avérait hyper-concurentiel en 2018, avec l’arrivée de Mediapro, la présence de RMC Sport et la lutte entre beIN Sports et Canal+, la donne est bien différente aujourd’hui. Outre la fin précoce de la chaîne sino-espagnole, Altice (maison-mère de RMC) a décidé de limiter ses investissements dans le sport, tandis que les deux derniers acteurs cités ont noué un partenariat sous la forme d’un accord de distribution exclusive.
La Ligue 2 victime collatérale ?
A la lumière de tous ces éléments, le milliard d’euros atteint en 2018 est aujourd’hui plus que jamais inenvisageable, même si certains dirigeants du football français veulent encore y croire. En position de force, Canal+ investira à coup sûr sur la Ligue 1, même à une valeur moindre que par le passé. La donne est bien différente au sujet de la Ligue 2. Diffuseur de l’affiche du lundi soir entre 2016 et 2020, la chaîne cryptée n’a jamais réellement mis en valeur l’antichambre du football français. Or, Téléfoot a également restitué à la Ligue son lot « Ligue 2 » comprenant le multiplex de huit matches – actuellement programmé le samedi soir – et acquis pour 34 millions par an. Faute d’un acquéreur par le biais de la procédure de gré à gré, ce lot sera donc l’objet d’un potentiel nouvel appel d’offres dans les prochaines semaines. Dans le même temps, beIN Sports, détenteur des lots 3 et 4 de la Ligue 2 n’a pas encore clarifié sa position au sujet de l’avenir des droits TV du football français.
La Ligue 2 de retour sur les antennes de beIN Sports ?
Ayant déboursé 30 millions d’euros pour les deux principales affiches de la Ligue 2 en 2018, la chaîne qatarie sera-t-elle aussi tentée de restituer ses droits pour renégocier à la baisse par le biais d’un nouvel appel d’offres ? Les droits TV de la Ligue 1 étant remis sur le marché, beIN Sports pourrait également être tenté par la perspective de récupérer le multiplex « Ligue 1 ». Ce qui pourrait ainsi limiter son potentiel d’investissement sur la Ligue 2. Surtout, rien n’indique qu’un autre acteur soit intéressé par le championnat, de quoi permettre aussi à beIN Sports de récupérer pour une somme moindre l’intégralité du championnat, si tel était son souhait. Et même si les chiffres s’avèrent moins impressionnants que pour la Ligue 1 (plus d’un milliard), les clubs de Ligue 2 (64 millions d’euros) pourraient bien être les grands perdants d’un nouvel appel d’offres global pour les droits TV du football français.
A cela s’ajoute la possibilité de ne plus avoir le moindre diffuseur du multiplex Ligue 2 à partir du 1er février. En effet, l’accord liant la LFP à Mediapro stipule que Téléfoot continuera à diffuser les matches acquis en 2018 jusqu’au 31 janvier prochain dans l’attente d’un nouveau diffuseur. Passée cette date, huit matches de Ligue 2 seront alors sans diffuseur identifié. A moins que Canal+ ou la Ligue ne décident d’avoir recours au pay-per-view. En attendant, le flou persiste plus que jamais.