Jordan Lefort : « Le seul qui m’a donné des nouvelles, c’est le coach »

Entretien Le 11 – Après avoir évoqué ses premiers pas en Suisse, Jordan Lefort revient sur la fin de son aventure avec l’Amiens SC. S’il ne nourrit aucun regret, le défenseur de 27 ans aurait aimé davantage de considération de la part de ses dirigeants. Entretien.

Comment avez-vous vécu vos derniers mois à Amiens ?

C’était un peu compliqué, mais c’était similaire aux autres années. J’étais un peu habitué, c’est ça qui était malheureux. Il y a eu des périodes un peu plus difficile, un manque de considération, mais je me suis toujours accroché en donnant le meilleur de moi-même. Il y a des matches où j’étais bon, d’autres où je l’étais moins. C’est comme ça. J’appartiens toujours au club, je ne vais pas dire que j’ai tourné la page, mais mon idée est de rester à Berne.

Qu’est-ce que vous entendez par manque de considération à Amiens ? Cela venait de la direction, des coaches ? On ne vous a pas fait grandir comme vous le pensiez ?

J’estime que quand ça fait dix ans qu’on est au club, que j’ai 26 ans, et que je ne fais pas partie des gens qui participent aux réunions sur la vie de groupe… J’étais là avant John Williams, avec la présidence unique de Bernard Joannin, qui était avec Pascal Pouillot avant. C’est sûr que ça fait bizarre. Pour moi, c’était un manque de considération, mais je ne vais pas mentir, je n’ai jamais craché dessus non plus. Je ne me suis jamais plains, j’ai toujours continué, mais ça m’est resté en travers de la gorge et dans la tête. Au bout de dix ans au club, j’étais toujours considéré comme l’enfant formé au club, et je trouve ça dommage, mais c’est un statut qui existe pour plein de joueurs. Peut-être que ça faisait trop longtemps et on avait l’habitude que je sois là.

Avez-vous tenté d’en parler avec les responsables pour crever l’abcès ?

Ce n’était pas problématique, il n’y avait pas d’abcès à crever parce que, pour moi, ça doit venir naturellement. Ça ne s’est pas fait, et je n’allais pas venir taper à la porte pour dire que je veux être un cadre. Ce n’est pas mon genre. Si on fait appel à moi, je donnerais le maximum et si on ne le fait pas… En tout cas, je n’étais pas considéré comme un « cadre » et je ne l’ai jamais revendiqué. Ce n’est pas quelque chose qui m’a pesé dans mes années amiénoises, mais avec du recul, j’aurais trouvé ça légitime d’être considéré un peu mieux.

Malgré tout, il semblerait que ce soit une petite cicatrice parce que vous avez évoqué le regret que les dirigeants n’aient pas pris contact après votre départ…

Et ils ne m’ont toujours pas donné de nouvelles aujourd’hui ! Le seul qui m’envoyait des messages, c’est le coach. Je n’ai jamais eu de problèmes avec lui. Que je joue ou non, j’ai toujours aimé le travail qu’il mettait en place. J’estime que c’est un des meilleurs coaches qu’Amiens ait eus, d’un point de vue professionnalisme, recherche du détail. Il faut tout pour que l’on progresse et que l’on soit meilleurs, même si c’est un peu compliqué cette saison. Le seul qui m’a donné des nouvelles, c’est lui. Toutes les semaines il me demandait comment s’est passé mon adaptation, mes matches, etc. Pour le reste, je n’ai pas eu de nouvelles. Je trouve ça dommage parce que je ne suis que prêté. On ne sait pas ce qu’il peut se passer, je peux revenir à Amiens. Peut-être que j’étais naïf, et que j’avais cette image de club familial où tout le monde pensait à tout le monde et que l’on n’oubliait personne. C’est sûrement le foot d’aujourd’hui qui est devenu le business, que l’on reste un an ou dix ans dans un club.

Avez-vous des regrets quant à votre histoire avec Amiens ?

Elle n’est peut-être pas terminée. Je peux revenir comme rester à Berne. Pour le moment, je n’ai aucun regret parce que tout ce que j’ai fait et tout ce que j’ai vécu, c’est grâce à Amiens. J’ai été formé dans ce club, et s’il ne monte pas en Ligue 1, peut-être que je ne passe pas professionnel, que jamais je ne joue en Ligue 1 ou Ligue 2. Je ne l’oublie pas, c’est sûr, et merci à Amiens. Malgré les histoires qu’il y a pu avoir, je n’ai aucun regret.

Votre objectif est donc de rester à Berne et montrer votre valeur si le championnat reprend…

Oui, mais on ne sait pas de quoi l’avenir est fait avec l’évolution du virus. Pour le coup, il y a plein de paramètres que je ne maîtrise pas. Il y a une option d’achat mais j’ai encore un an de contrat à Amiens. Je suis dans le flou total et je ne sais absolument pas ce qui va se passer. Je n’ai pas de nouvelles. Pour l’instant, je m’entraîne, si on doit reprendre, je reprendrai, si on ne peut pas reprendre, on avisera à ce moment-là. Je n’écarte pas du tout l’idée de revenir à Amiens après le prêt, parce qu’on ne sait jamais ce qu’il peut se passer dans le foot. Si je dois revenir, je reviendrai et je donnerai le maximum pour défendre les couleurs du club comme je l’ai toujours fait. Si j’avais à choisir, c’est sûr que je préférerais rester à Berne. Là, c’est comme si j’avais eu un avant-goût et j’ai envie de continuer pour voir jusqu’où je peux aller aux Young Boys, avec par exemple la possibilité de jouer une Coupe d’Europe, ce qui serait inimaginable pour certains, mais qui est réalisable en restant à Berne.

Avez-vous un message pour les supporters amiénois, à qui vous n’avez pas vraiment pu dire au revoir ?

J’aimerais leur dire merci pour tout. Que ce soit individuellement ou avec l’équipe. Quand on était en National, ils étaient là, en Ligue 2 aussi et en Ligue 1 ils le sont toujours. Même quand je jouais en U19 ou en CFA2 ils étaient là. Ce sont des supporters à qui je suis très attaché, même au club parce qu’il m’a tout donné. C’est grâce à cet ensemble que je suis là. Je donne une part de ma réussite aux supporters parce qu’ils m’ont toujours encouragé, ils ont toujours été là pour moi, et même si certains sont un peu plus critiques, je trouve ça normal parce que c’est la vie d’un supporter et d’un joueur. Je m’imaginais partir d’Amiens à la fin du match où je suis applaudi et je remercie tout le monde, mais ça n’est pas arrivé et ce n’est qu’un détail. Je veux remercier tous ceux qui ont été là pour moi. Je reçois encore beaucoup de messages sur les réseaux sociaux, j’ai reçu beaucoup de félicitations et de soutien à l’annonce de mon départ. Je suis vraiment très attaché à eux. Je garderai aussi ce super-moment et ce maillot reçu à l’issue du match contre Guingamp en fin de saison dernière. Mais on ne sait pas de quoi le foot est fait, et peut-être que je vais revenir à Amiens. Et même si je dois officiellement partir, je reviendrai peut-être à un match, pour un coup d’envoi, et officiellement dire merci et au revoir, qui sait ?

Tout propos recueillis par Romain PECHON

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