Terriblement déçu après la nouvelle déconvenue de l’Amiens SC, battu au terme d’une soirée noire par Rodez (1-3) samedi pour le compte de la 28ème journée de Ligue 2, Philippe Hinschberger n’a pas cherché à se défausser alors qu’il a été pris pour cible par le public pendant la rencontre. Entretien.
Philippe, vous avez eu une longue discussion avec vos joueurs à l’issue du match. Que s’est-il dit dans le vestiaire de l’Amiens SC ?
C’est normal. Plusieurs joueurs ont pris la parole, c’est normal dans une « situation de crise », en tout cas des moments désagréables d’une saison. Ce sont des choses qui peuvent arriver, qui durent depuis un peu longtemps. C’est forcément usant et certains ont besoin qu’on libère un peu la parole, c’est normal.
Chacun se fait encore confiance ?
Sur ce match, je ne vois pas de manque de confiance. On est encore tombé dans un mauvais scénario en encaissant un but rapide. On a le mérite de revenir rapidement et sur la première mi-temps il n’y a pas grand-chose à dire. Mpasi fait même deux arrêts extraordinaires avant la mi-temps, ce qui aurait pu nous permettre de virer avec l’avantage à la mi-temps. Encore une fois, on ne marque pas. C’est compliqué pour nous de prendre l’avantage. On finit par prendre un deuxième but sur une deuxième mi-temps qui a été mauvaise. En tout cas, je ne vais pas dire que les joueurs ne courent pas ou qu’ils n’ont pas envie. Je les connais bien et ils essaient tous de faire, après on a aussi joué contre une équipe en forme, qui vient de marquer neuf buts en trois matches. Ils ont de bons joueurs, ils ont du répondant. On n’a pas été surpris du match et Rodez n’a pas volé sa victoire sur la physionomie de la rencontre. Encore une fois, notre adversaire a six ou sept tirs cadrés et on prend trois buts. Les adversaires ont beaucoup d’efficacité contre nous.
Vous n’avez donc pas eu le sentiment d’un déficit d’engagement de l’Amiens SC par rapport à son adversaire ?
C’est toujours un peu l’équipe qui défend contre celle qui va attaquer. En deuxième mi-temps, on n’a que des contres à gérer. Ils ont des espaces et c’est ce qu’on a trouvé de notre côté à Saint-Etienne. Pourtant, je n’ai pas eu le sentiment que Saint-Etienne avait eu un déficit d’engagement par rapport à nous. On joue avec nos moyens du jour, qui sont mièvres. Je ne sais pas si on vaut mieux que ça actuellement. On paye notre incapacité à percer une équipe regroupée. On a quoi ? Une occasion sur la tête de Papiss (Cissé) ? Sinon, on s’est beaucoup cassé les dents sur le bloc de Rodez. Partant de là, les gens s’échappent en contres, c’est classique.
Je ne sais pas trop ce qui s’est passé en deuxième mi-temps. On a eu du mal à mettre du rythme, à faire trois passes, à pleinement s’engager
Avant ce scénario de match avec des contres, cela paraissait quand même beaucoup trop simple pour Rodez. Sur le premier but, un joueur perce sans opposition tout votre bloc. Sur le deuxième, l’attaquant a tout le loisir de faire ce qu’il veut dans votre surface de réparation…
Je sais bien… Je fais les mêmes constats que vous. Sur les deux premiers buts encaissés, on est complètement à la ramasse. Sur le premier, on laisse effectivement partir un garçon qui fait 50 mètres balle au pied avant de trouver un décalage. Sur le deuxième, on sort à contre-temps alors qu’on sait que ce sont des choses qu’il ne faut pas faire. On a le comportement d’une équipe qui a du mal à trouver le résultat et qui doute, c’est logique. On ressent un manque de confiance sur la deuxième période. Sans ouvrir le parapluie, on a aussi joué sans deux de nos meilleurs défenseurs centraux, Mamadou Fofana étant malade. On a donc joué avec une défense qui manquait sans doute de repères. Sur la première mi-temps, on a bien tenu le choc avant de subir les contres en deuxième période.
Comment expliquez-vous ce comportement amorphe de l’Amiens SC en seconde période ?
Je ne sais pas trop ce qui s’est passé en deuxième mi-temps. On a eu du mal à mettre du rythme, à faire trois passes, à pleinement s’engager. En ce moment, on est un peu convalescent, on ne peut pas dire qu’on rayonne en termes de mental ou de moral. C’est désespérant pour tout le monde, à commencer par les joueurs sur le terrain qui se demandent encore ce qui va se passer dès que ça commence à tourner mal. J’ai tenté de remobiliser l’équipe avec un triple changement. De l’extérieur, on peut se demander ce qu’on fait. Maintenant, c’est dur, les adversaires défendent. On a joué toute la deuxième mi-temps contre un bloc bas parce qu’on se retrouve mené. Encore une fois, on attaque et c’est difficile de trouver des solutions.
N’avez-vous pas peur que ce doute finisse par s’installer de manière définitive ?
Avoir peur, ça ne sert à rien. Vous savez ce qu’on dit à propos de la peur et du danger… Il faut juste se remobiliser, faire front contre la critique, les spectateurs qui font la grève. Tout ça est normal, je n’ai aucun souci avec ça. Chacun fait encore bien comme y veut. Il faut savoir rester hermétique, dans le travail et préparer le match contre Grenoble dans quinze jours. La peur ne sert à rien, je veux juste qu’on retrouve un peu plus de plaisir.
Quelles solutions avez-vous pour renverser la situation ?
Je tourne le problème dans tous les sens jusqu’à trouver la solution. Peut-être qu’elle ne viendra pas, je ne sais pas. On est là, on regarde les gens qui sont disponibles, on met la meilleure équipe en place pour commencer le match. Le raisonnement est le même en cours de match. Tu as beau mettre quatre, cinq ou six attaquants…
Vous avez été directement visé par les banderoles du kop, qui réclame votre départ de l’Amiens SC. Comment vivez-vous cette situation ?
Je n’ai ni le temps de lire ce qui est écrit sur les banderoles, ni le temps d’écouter ce que les gens disent. Maintenant, c’est normal. Je me suis fait virer quatre fois dans ma carrière. Je suis ciblé, c’est tout à fait logique. Les gens ne sont pas contents, ils s’en prennent à l’entraîneur, je ne leur en veux pas du tout. J’ai juste envie de leur montrer qu’on peut faire autre chose. Par chance, je suis sur aucun réseau social, je garde ma tête tranquille. Maintenant, on est dans un milieu où tu es remis en cause dès que tu perds deux ou trois matches. De notre côté, on est dans une série pitoyable, c’est normal que l’entraîneur soit ciblé, que les gens s’interrogent. Avec le staff, on avance, on fait notre taf. On a de la réussite, on n’a pas de réussite, on gagne des matches ou on ne gagne pas des matches. Quand tu perds trop de matches, tu quittes le club. Ce n’est pas du tout ce qui me hante, ce qui me hante c’est notre incapacité à trouver la solution pour gagner un match.
Propos recueillis par Romain PECHON
Crédits photo : Loic Baratoux/FEP/Icon Sport / Le 11 Amiénois
Courageux Philippe, et du sang froid. C’est pour ça que les adeptes de la panique et du limogeage alors qu’on est 11eme ont sans doute tort. Il ne cible pas le mercato ridicule de ses dirigeants, ne tire pas sur ses joueurs, il garde un cap et prépare Grenoble. Y’a une semaine on prenait 3 points contre Pau, on est donc encore capable de gagner, et on gagnera encore pour prendre les derniers points qui vont nous soulager. Une fois fait, j’espère qu’on aura encore du plaisir car voir jouer à la Licorne Gélin, Kakuta, Leautey ou Mendy ça doit redevenir une chance pour le spectateur.