Préparateur mental auprès de nombreux joueurs professionnels, dont Jordan Lefort, Franck Blondeau a accepté de répondre à nos questions à propos de la situation psychologique dans laquelle les joueurs de l’Amiens SC ont repris le chemin de l’entraînement collectif ce lundi. Entretien.
Comment peut-on appréhender psychologique une reprise après tant de temps d’arrêt ?
C’est une vaste question. Je pense que les joueurs sont contents et excités de retrouver le plaisir du terrain mais aussi de recommencer leur métier. C’est déjà un premier point. Quand on est un footballeur professionnel passionné, on a envie de retrouver le ballon, les coéquipiers, cette notion d’effort à travers l’expression collective. Il va ensuite falloir retrouver le rythme, la répétition des efforts même si je pense que les joueurs se sont tous entretenus pendant cette période. Le fait de retrouver le groupe, c’est quelque chose d’important. Il va tout de même falloir retrouver l’activation physique mais surtout mentale en retrouvant un quotidien, les entraînements répétés sous des chaleurs plus importantes. Il faut remettre les corps et têtes en marche pour bien gérer les efforts et ainsi éviter les blessures parce que le corps a été à l’arrêt longtemps. C’est le point de départ de tout.
Le tout avec un protocole sanitaire à respecter…
On a tous été marqués par cette période et on commence à tous comprendre les protocoles sanitaires. Les joueurs vont aussi appliquer ces consignes. Le but sera de s’entraîner le mieux possible en respectant de façon stricte tout ça. C’est une question d’adaptabilité et de préparation pour éviter les contacts et les difficultés de cet ordre. Ce sont des joueurs professionnels, ils sauront garder ça à l’esprit.
Et rajoutons à ça l’incertitude autour de l’avenir de l’Amiens SC entre la Ligue 1 et la Ligue 2, et on obtient un retour loin d’être évident mentalement…
Quand on est dans le flou, c’est difficile de se projeter, et l’être humain a besoin de se projeter pour se fixer des objectifs et avoir des buts à atteindre. Le contexte de l’entre-deux Ligue 1-Ligue 2 doit jouer dans la tête des joueurs, il ne faut pas se mentir. Maintenant, ce sont des professionnels sous contrat et ils sont salariés de l’Amiens SC. Quelle que soit la division, le but est de se préparer et de pouvoir aborder le mieux possible la saison.
Aujourd’hui, cela semble encore plus important que d’habitude de faire un point avec les joueurs sur la situation mentale de chacun…
Ce qui est important c’est de pouvoir permettre aux joueurs d’exprimer ce qu’ils ont pu ressentir dans la période de confinement, parce qu’il y a obligatoirement eu des perturbations psychologiques. Il faut les écouter pour qu’ils puissent exprimer leurs émotions de façon à remettre en adéquation le corps et la tête. Je pense que chaque joueur n’a pas vécu le confinement de la même façon. Certains étaient seuls, d’autres en famille, et d’autres encore éloignés de leur pays d’origine et donc de leurs familles. Il y a des situations extrêmement différentes. Tout ça fait qu’il est important de bien écouter les joueurs et de mettre un protocole d’accompagnement à côté pour gérer le stress et le côté émotionnel, voire entretenir la motivation pour certains.
Quand on est un joueur en instance de départ, arrive-t-on à être pleinement investi lors d’une reprise ?
La normalité serait d’avoir un joueur qui adopte une attitude professionnelle, exemplaire et respectueuse envers son club, mais on sait très bien qu’un joueur en instance de départ peut être fortement perturbé, avec la tête ailleurs et pas réellement impliqué dans la reprise. C’est une situation compliquée sur différents facteurs. A partir de là, il y a beaucoup de paramètres qui ne sont pas maîtrisés. Il y aura, je pense, un travail de remise à plat de tout pour que les joueurs reprennent du mieux possible.
Le mercato devrait être très long cette année, et cela devrait changer beaucoup de choses dans l’approche de la compétition…
Il va falloir faire preuve d’une grande capacité d’adaptabilité, que ce soit dans la préparation, la gestion des joueurs mais aussi dans le recrutement parce qu’on est dans une période unique. Les clubs qui s’adapteront le mieux et qui réussiront à instaurer un vrai projet avec beaucoup de sens seront ceux qui se sortiront le mieux de cette période. Le fait qu’aujourd’hui on ait un décalage dans les dates de reprise et de mercato apporte encore plus d’incertitude. Maintenant il faut être capable de gérer toutes ces incertitudes du mieux possible. Je pense que ça passe par beaucoup de communication entre les personnes afin de travailler sur ce qui est maîtrisable pour avancer dans la saison malgré tout. Il faut constituer une équipe, un projet et donc amener toute la cohésion que l’on recherche lorsque des joueurs partent ou arrivent. Ce qui est important, c’est de faire preuve de beaucoup d’adaptabilité et de dialogue.
C’est également valable pour les dirigeants qui sont actuellement sur deux fronts et qui vont lâcher beaucoup d’influx…
Pour que les joueurs puissent bien gérer le côté émotionnel, il faut faire preuve de beaucoup de maîtrise, de discernement et rester fidèle à ses idées, son projet et l’identité du club de façon à ne pas se laisser ballotter par tout ce qu’il se passe à côté et être toujours dans le maîtrisable. Il y a des choses que l’on maîtrise sur lesquelles on peut travailler et avancer, et d’autres non-maîtrisables où il faut gérer l’incertitude sans paniquer. Les dirigeants font aussi face à ça en ce moment.
Tous propos recueillis par Romain PECHON avec Adrien ROCHER
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