Benoît Sturbois : « Je suis inquiet pour le niveau du football amiénois »

S’il est aux commandes d’une équipe des Portugais d’Amiens en tête du championnat de Régional 2, Benoît Sturbois n’en reste pas moins concerné et touché par la saison noire du football amateur amiénois. Et selon lui, les raisons de cet échec sont nombreuses. Entretien.

Benoit, hormis l’Amiens Portugais, le football amiénois est en grande difficulté cette année. Comment l’expliquez-vous ? 

Je ne l’explique pas. Je suis surtout déçu de ce qui se passe et malheureux pour les clubs concernés. Voir l’AC Amiens, un club pour lequel j’ai évolué en National 2, se retrouver aux portes du Régional 1, ça fait mal. Longueau se bat avec ses armes et c’est compliqué. Quant à Camon, l’idée était de repartir avec un autre groupe, de rajeunir, et on voit que c’est compliqué. Cela peut aller très vite. Aujourd’hui, on est bien et on ne sait pas où on sera demain. On profite de chaque semaine. Ce qui me fait un peu peur, c’est qu’on se retrouve tous dans le même groupe à un moment donné et que ça devienne compliqué pour le recrutement. Ce ne sera pas forcément une bonne chose de revoir tout le monde au même niveau la saison prochaine.

Cela montre aussi que c’est compliqué pour le football amiénois d’exister dans cette grande région des Hauts-de-France…

C’est compliqué, oui. On le voit déjà au niveau du National 3, où le niveau est très élevé. Même en Régional 1, on se rend compte que c’est beaucoup plus compliqué que l’ex-Régional 1 de la Picardie. Cette année, on se retrouve à batailler en Régional 2 en dépit de l’effectif à notre disposition. Les années précédentes, on aurait pu dire qu’on a un effectif de niveau Régional 1, largement même pour être gentil. Le football amiénois a du mal et il faut se poser les bonnes questions, se demander pourquoi on a autant de mal à exister du National 3 au Régional 3. Il y a les infrastructures, les moyens financiers notamment. Cela demande de l’investissement financier, de plus en plus de bénévolat et c’est compliqué de trouver des gens qui peuvent donner un coup de main. J’ai la chance aux Portugais d’avoir énormément de monde autour du club. On a aussi un nouveau terrain, on a pu s’entraîner dessus même s’il n’est toujours pas homologué pour les matches. On espère que ce sera le cas pour le mois de mars. Maintenant, on n’a qu’un seul terrain synthétique pour 500 licenciés. Cela fait encore trop peu pour les prétentions qu’on pourrait potentiellement avoir.

On voit très peu de jeunes locaux, formés au club. C’est ce qui fait notre pauvreté en termes de génération.

Vous avez évoqué les infrastructures, les moyens financiers. Le problème ne vient-il pas aussi du pool de joueurs qui peine à se renouveler depuis quelques années ? 

C’est compliqué parce que les meilleurs jeunes qui sortent du centre de formation de l’Amiens SC veulent au moins jouer en National 3. Si un club ou l’autre n’est pas forcément attractif ou qu’on leur propose un projet en dehors de l’Amiénois, il est susceptible de partir s’éclater ailleurs. Ceux qui sont frustrés de leur situation ne continuent pas forcément le football. On a aussi beaucoup de mal à former les jeunes, l’accent n’est peut-être pas assez mis sur les écoles de football. Au sein du club, on essaie de le faire et malgré ça c’est compliqué. En finalité, on voit très peu de jeunes locaux, formés au club. C’est ce qui fait notre pauvreté en termes de génération. Pourtant, il y a un gros vivier de joueurs, le football est un sport populaire, c’est vrai qu’on a du mal à récupérer de jeunes joueurs.

Cela ne dénote-t-il pas d’un manque d’accompagnement des éducateurs dans le processus de formation, ce qui découle sur les jeunes joueurs à terme ? 

Au niveau du club, on met un point d’honneur à former nos éducateurs. Le problème est que les dates de formation ne coïncident pas forcément avec les emplois du temps des éducateurs. Le problème vient de là, c’est vrai. Il faudra plus de souplesse dans les processus de formation. Je ne gère pas ce qui se passe au district et à la Ligue mais c’est devenu contraignant de se former ! On veut bien les accompagner au niveau du club, mais on ne maîtrise pas ça de bout en bout. En tout cas, c’est effectivement une des problématiques à soulever. Nos éducateurs sont-ils formés convenablement pour former nos jeunes ?

Ce constat d’ensemble est assez alarmant pour le football amiénois. Cela suscite-t-il de l’inquiétude pour la suite ? 

Inquiet, oui et non. On a toujours su se relever, régénérer les effectifs. Par contre, je suis inquiet sur le niveau du football amiénois. On aura toujours des clubs et des équipes mais à quel niveau ? Quand on va arriver dans certaines divisions et que certains joueurs âgés vont devoir passer le relais aux plus jeunes, c’est là qu’on aura un gros problème. Si on ne parvient pas à recruter efficacement à l’extérieur, on risque d’être confronté à une grosse problématique de niveau. Je travaille aussi dans l’insertion professionnelle et je constate que la nouvelle génération veut tout, tout de suite. Le problème est que cette génération doit comprendre qu’il y a des étapes et qu’on ne peut pas sauter certaines étapes.

La nouvelle génération est beaucoup trop pressée et impatiente pour accepter que les bénéfices du travail arrivent à moyen terme.

Effectivement, on peut parler de beaucoup de clubs, dont le nôtre, qui ont des jeunes qui s’impatientent. Il faut qu’ils se rendent compte que le relais sera passé tôt ou tard et que ce sont les plus patients, les plus travailleurs qui mangeront ce qu’il y a à manger. Aujourd’hui, tu prends un jeune joueur qui n’a pas d’expérience en Régional 2, tu le mets sur le banc et tu le fais jouer 20 minutes, il se plaint et il préfère aller jouer 90 minutes en Départemental 2. Il n’y a plus cette notion de patience. Je ne suis pas si vieux que ça, j’ai 41 ans, à l’époque on avait le recul nécessaire pour se dire que celui qui jouait était plus performant, qu’on allait apprendre de lui et tout faire pour finir par prendre sa place sans griller les étapes. La nouvelle génération est beaucoup trop pressée et impatiente pour accepter que les bénéfices du travail arrivent à moyen terme.

Propos recueillis par Romain PECHON

Un commentaire

Commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *