Entraîneur des Portugais d’Amiens, huitième de la poule B de Régional 2, Benoît Sturbois estime que la situation sanitaire actuelle ne permet pas une reprise des compétitions à l’échelon amateur, raison pour laquelle il plaide pour une saison blanche. Entretien.
Benoit Sturbois, comment vivez-vous ce confinement ?
Pour ma part, j’essaye de m’en tenir à ce que demande l’État, à savoir rester à la maison au maximum et limiter les sorties. J’ai du télétravail parce que ma structure le permet, il y a aussi les devoirs des enfants. On s’occupe comme on peut, on garde un lien social – dans le cadre de mon travail – avec les jeunes que j’accompagne et au niveau du football avec la structure club. J’essaye de continuer sur les séances d’entraînement en envoyant un planning par semaine, de maintien de forme, mais c’est plus pour les occuper et qu’ils restent bien psychologiquement et moralement, tout en continuant à faire un peu de renforcement. Je travaille sur les séances à venir, on échange avec les éducateurs du club. Je garde aussi un lien avec les personnes du centre de formation par ma double casquette. On essaye de tous se passer les bonnes infos pour s’occuper. Je commence à trouver le temps un peu long, surtout que j’ai l’habitude d’être plutôt actif. Je passe du coq à l’âne entre mon travail et mes activités à l’ASC et aux Portugais. C’est un peu compliqué mais j’essaye de joindre l’utile à l’agréable. J’avais besoin de souffler un peu et ça ne fait pas de mal. On va profiter de la famille au maximum.
Qu’avez-vous concrètement mis en place au sein du club pour garder du lien entre tout le monde ?
On a un groupe Whatsapp avec les joueurs, et on arrive à échanger de tout et de rien sur l’actualité et surtout footballistique parce que tous les jours il y a quelque chose. Est-ce qu’on avance, on recule par rapport aux propositions de la Ligue. On propose des petits challenges aussi. On les met sur Whatsapp et le Facebook du club pour que tous les membres puissent s’y confronter. On essaye de faire ce qui se fait autour de nous.
Tout le monde joue le jeu ? Vous n’avez perdu personne ?
C’est un problème important et réel au niveau de l’amateurisme. Il y en a qui ont peut-être déjà ce disque de « la saison va être terminée » et ont peut-être déjà la tête ailleurs. Malgré tout, on essaye de leur dire que la saison n’est pas finie, et qu’il faudra terminer. En termes de vérification, on n’a pas de possibilités. Maintenant, on a bien insisté sur le volontariat. C’est conseillé de le faire, mais ce n’est pas obligatoire. On essaye d’être le plus précis possible, sans qu’ils soient obligés de sortir pour réaliser les exercices. Ce sont des choses qui peuvent être faites en intérieur. Quand on fait des petits jeux, on n’oblige pas non plus. Le premier que j’ai fait, je leur ai demandé ce qu’ils avaient retenu du projet de jeu mis en place, et j’avais mis un maillot à gagner pour le plus précis et concis. J’avais été agréablement surpris parce que ça avait très bien marché. On avait eu que quatre ou cinq joueurs qui n’ont pas répondu sur les trente-sept du groupe ! C’était plutôt positif. Il est clair qu’il y aura toujours des pertes, malheureusement, c’est comme ça. Entre ceux qui ne se sentent pas concernés, ceux qui ont d’autres choses à penser par rapport à leur entourage, ceux qui veulent se déconnecter du football parce qu’ils ont besoin de souffler. Il faut être très compréhensif et se dire qu’on est dans le monde amateur et on se doit de proposer des choses, mais aussi de se dire qu’ils ne peuvent pas forcément adhérer et qu’ils peuvent avoir besoin de souffler. Par rapport à ça, on est plutôt indulgents.
Est-ce que cette période peut aussi permettre de prendre du recul sur ce que vous avez fait depuis votre arrivée à la tête des Portugais ?
C’est exactement ce que je fais. Quand je peaufine mes séances, j’essaye d’être organisé, ce qui n’est pas évident, prendre du recul, ce qui l’est encore moins. Il faut voir quelles séances ont fonctionné, qu’est-ce qui a été ou pas, comment présenter les séances différemment, et voir si la pédagogie est adaptée au public que l’on a. Est-ce qu’on n’est pas trop bas ou trop haut ? On échange régulièrement avec Nourreddine (Laroussi) sur ça aussi. Franchement, on prend beaucoup de recul pour essayer d’être le plus objectif.
Pensez-vous sincèrement que la saison pourra reprendre et aller au bout ?
Très honnêtement, je pense qu’on est aux prémices de ce virus et on n’a pas encore vu l’étendue de ce que ça peut produire dans le mauvais sens du terme. Je ne pense pas que la saison pourra reprendre. Tout du moins, ce serait très compliqué à notre niveau amateur de réussir à mobiliser tout le monde parce qu’il y aura toujours cette petite appréhension, cette peur. Il y a eu un avant-virus et il y aura un après-virus. Il est clair que le temps que tout le monde arrive à se sortir ça de la tête, n’ait plus la crainte de se déplacer, d’être confronté à ça, il va falloir beaucoup de temps. Je ne pense pas que ce soit favorable à une reprise rapide du championnat. De plus, il ne faut pas oublier l’état de forme des joueurs. C’est trop risqué de faire reprendre sans refaire de préparation vu le temps que l’on aura arrêté. Il y aura un risque de blessure. Je ne suis pas du tout favorable à ça. Il faut prendre aussi en compte que l’on ne pourra pas jouer en semaine, c’est une certitude. On serait démunis. On ne sait déjà pas quand va se terminer le confinement. On a appris que le déconfinement se ferait par étapes et par région, on est dans une des plus touchées, donc je pense que l’on ne sera pas les premiers à sortir du confinement.
Quel serait donc votre plan d’action si la saison était amenée à être définitivement arrêtée ?
Si jamais j’avais un avis à donner, c’était partir sur une saison blanche en repartant à zéro l’année prochaine avec les mêmes groupes, même s’il y aura clairement des frustrés. Sinon, j’aime l’idée de favoriser les montées et ne pas faire de descente, ce qui serait plutôt bien parce qu’il y a des équipes qui ont charbonné jusque-là, qui se sentiraient lésées d’avoir fait un bon championnat mais ne pas pouvoir monter. Mais imaginons le troisième qui se retrouve à un point du deuxième, il pourrait se sentir frustré de ne pas monter alors qu’il est proche avec la possibilité de jouer un gros match. Même là, on n’est pas sur de l’équité. J’ai lu qu’ils pourraient faire monter plus d’équipes que prévues. Je laisse les instances réfléchir à ça. J’espère juste qu’ils prendront en considération que nous ne sommes que des amateurs, que nous sommes déjà confrontés à des difficultés d’effectif en temps normal. En cette fin de période de confinement, ça risque d’être encore plus délicat. On risque d’être confrontés à des blessures, à des personnes qui ont peur de se confronter à du collectif pour multiplier les risques de re-contamination. J’ai un joueur de mon effectif qui – par rapport à sa situation personnelle – ne reviendrait pas au cours de la saison si on était amenés à reprendre.
Avez-vous réussi à tout suivre de la communication de la LFHF qui est passé de jouer en juillet-août à terminer au plus tard le 30 juin ?
C’était une volte-face assez particulière. Je pense qu’ils ont voulu se calquer sur le monde pro. Tout du moins, ils avaient des engagements à tenir parce que j’ai cru comprendre qu’il fallait que les championnats aillent à leur terme par rapport à des finances ou je ne sais quoi. Ce sont des points de règlement que je ne maîtrise pas trop. Se dire que l’on arrête fin juin, dans le scénario où l’on reprendrait, c’est la meilleure des solutions. A partir de juillet, il risque d’y avoir des problèmes d’effectif, que ce soit pour les joueurs, les arbitres, les éducateurs. On a besoin d’avoir des vacances parce qu’à côté du foot, on a tous un emploi, ou on est étudiants. Ces périodes de vacances sont-là, comme c’est indiqué, pour prendre des vacances. Imposer au monde amateur de jouer sur ces périodes, je trouve ça complètement fou. Revenir sur des bases plus logiques, être plus humain que politique et que dans le cas où l’on reprendrait, on devrait s’arrêter au 30 juin, ce serait plus logique.
Parce qu’on a aussi eu tendance à oublier que l’humain était au-dessus de tout…
Exactement. Est-ce que ça aura un impact sur les clubs ? Je ne pense pas que pour les clubs régionaux ce soit si énorme de ne pas terminer une saison à ce niveau. Même s’il y a des finances qui sont en jeu, on ne parle que de quelques milliers d’euros, pas de centaines de millions comme pour les clubs professionnels. Il faut se poser les bonnes questions, remettre les choses dans le contexte et garder cette part d’humanisme. Aujourd’hui, on est en train de travailler avec des amateurs, des passionnés. On n’est pas dans le monde professionnel où c’est notre métier et nos salaires qui sont en jeu. Je pense qu’à ce niveau, il faut vraiment repartir sur des bases saines. On doit se dire qu’on est avec des amateurs, des passionnés, ça n’aura pas un impact énorme, si ce n’est peut-être permettre à quelques équipes de monter. Pour les autres, ce n’est que partie remise. Il ne faut pas faire descendre des clubs, parce que les plus lésés seront automatiquement ceux qui vont descendre pas ceux que l’on empêcherait de monter. Descendre sur une moitié de championnat, ça fout les boules. Je pense que c’est plus compliqué d’imaginer la descente qu’une non-montée sur une période comme ça. En descendant, ce n’est pas une demi-saison qui est perdue, mais un an et demi, en partant du principe qu’il faut ensuite remonter, et ce n’est pas joué d’avance.
Tous propos recueillis par Romain PECHON et Adrien ROCHER
Les Portugais luttaient pour leur maintien
Tout juste avant l’interruption du championnat, l’Amiens Portugais venait de gagner son premier match sous la houlette de Benoît Sturbois, nommé en octobre dernier. S’il est vrai que le club présidé par Abilio da Sousa n’a pas été épargné par les multiples reports hivernaux, la situation au classement a longtemps été précaire. Au sein d’un championnat de Régional 2 où la phase aller n’a même été disputé dans son intégralité, la formation amiénoise pointait à la huitième place avec une unité d’avance sur son premier poursuivant, Lambersart. Si le championnat s’arrêtait là et que les positions étaient figées, les Portugais seraient donc assurés du maintien. Sauf que toutes les équipes n’ayant pas joué le même nombre de matches, la question d’un retour à une situation antérieure lui serait bien mins favorable, le club ayant passé plusieurs mois dans la peau d’un relégable.
R.P.
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