Amiens SC : Ma première fois au stade ! [HISTOIRE]

La plupart des supporters se souviennent de la toute première fois qu’ils ont pénétré dans l’enceinte de leur équipe favorite. À l’instar du premier baiser, ce moment charnière dans la vie d’un fanatique de football reste souvent gravé de façon indélébile dans la mémoire parmi les faits les plus marquants de l’existence. Alors que nombre de fans en herbe, vacances obligent, vont connaitre leur baptême du feu samedi soir, voici l’expérience toute singulière de l’un des rédacteurs du 11 Amiénois : ma première fois au stade. En espérant que ce texte vous permettra d’exhumer de doux souvenirs que nous vous invitons vivement à partager en commentaire !

L’Amiens SC parmi les cadors… B

Saison 1990-1991, l’ASC évoluait en Division 3 groupe Nord. À cette époque, la Division 2, l’ancêtre de la Ligue 2, comportait 2 groupes, Nord et Sud ; la division 3, 6 groupes : Nord, Est, Ouest, Centre-Ouest, Sud et Centre. Tandis qu’aujourd’hui les équipes réserves des clubs professionnels évoluent au maximum en National 2, le quatrième rang national, de nombreuses d’entre-elles venaient grossir les rangs des classements de la Division 3. Paris Saint Germain B, Le Havre AC B, RC Lens B, Lille OSC B, US Valenciennes B. C’est au milieu de toutes ces appellations d’équipes prestigieuses que l’ASC allait réaliser une saison de rêve, à jamais gravée dans la mémoire de ses supporters. Une saison charnière pour le club, celle qui allait le propulser pour longtemps dans la sphère du professionnalisme.

Une saison de rêve

L’ASC termina premier de son groupe avec 43 points (la victoire ne valant encore que 2 points), 17 victoires, 9 matches nuls pour seulement 4 défaites. 57 buts marqués pour 35 encaissés. Dans ses rangs, des hommes qui pour certains marquèrent le foot français après leur départ. Parmi eux : Gérald Baticle – qui quitta le club à l’issue de la saison pour faire les beaux jours  de l’AJ Auxerre de Guy Roux – Karel Jarolim dont ce sera l’unique saison au club mais qui est pourtant souvent cité parmi les joueurs les plus marquants de cette époque ; il marqua cette saison 13 buts avant de s’en retourner au pays au Slavia de Prague, fuyant selon la légende le fisc français, ou encore Teddy Bertin, le défenseur rugueux au catogan et à la frappe de mule qui évoluera de nombreuses saisons en Ligue 1 au Havre à Strasbourg et même à l’OM.

Les premiers pas…

C’est à la fin de cette saison que mon père décida que j’étais suffisamment mûr pour m’emmener au stade. Habitant une rue perpendiculaire au boulevard Bapaume, il ne nous fallait que quelques minutes de marche afin de parvenir aux abords des guichets du stade Moulonguet – le grand stade de football à Amiens n’était au début des années 1990, qu’un lointain projet. Mon père a toujours été un homme prévenant. Fuir l’urgence, prévoir l’imprévisible ont toujours été pour lui des crédos, des habitudes indéboulonnables. Nous arrivâmes ainsi bien avant le coup d’envoi. Peine perdue, les dirigeants et bénévoles dévolus à la billetterie n’étaient plus habitués à la liesse – le club évoluait la saison précédente en quatrième division – et la file d’attente pour obtenir les places me sembla interminable. L’attente me permettait tout de même une tentative d’apprivoisement de ce monde inconnu. J’observai sans piper mot.

L’odeur du football

Les précieux sésames en poche, j’allais découvrir un univers qui allait me happer pour le reste de ma vie. L’air sentait bon la frite trop salée et la fricadelle graisseuse. Mais ce n’était pas pour nous. Dans ma jeunesse, enfant unique d’une famille d’ouvriers, je n’avais jamais manqué de rien. Mais un sou était un sou et j’allais enfin pouvoir partager le sempiternel repas composé de sandwiches et de charcuterie que concoctait ma mère, les soirs de match. Ceci serait pour plus tard et de toute façon, la faim était le dernier de mes soucis. Malgré mes 13 ans, j’étais intimidé, les hommes parlaient fort et semblaient ne pas me remarquer, frêle bonhomme empêtré dans les jambes de son paternel.

Moulouguet, l’initiateur

Le stade Moulonguet était un stade à l’ancienne, aux antipodes du confort qu’offre aujourd’hui le stade à la créature légendaire à corne unique. Passé le portique gardé fièrement par un homme sans âge à la barbe blanche évoquant plus le père fouettard que son acolyte tout de rouge vêtu plus apprécié des enfants, nos billets déchirés, nous rentrions dans une enceinte encore à moitié vide mais qui allait pourtant afficher une affluence record, l’ASC pouvant valider dès ce soir, et à une journée de la fin du championnat, son accession en Deuxième Division.

Au milieu du gradin

Installés en tribune, mon père demeurait impassible, se contentant de sourire, tout à la fois par fierté que par amusement, lorsque, déjà éreinté, j’osais poser mes fesses à même le sol. « Il va bientôt falloir te lever Cédric, sinon tu ne verras rien du match. » Il avait raison. La tribune présidentielle du stade ne serait relookée que quelques mois plus tard. La partie gauche de celle-ci, lorsque l’on pouvait l’observer de la pelouse, ne comportait pas encore de siège mais était un simple gradin ou les supporters évoluaient comme les joueurs, debout. J’allais vite le comprendre, au stade Moulonguet, l’expérience de match y était inversement proportionnelle au prix des places et les nôtres étaient sans aucun doute loin d’avoir ruiné mes parents.

Rite initiatique

Dès le coup de sifflet de l’arbitre signifiant le début de la rencontre, les percussions des tambours m’extirpèrent de ma léthargie, bientôt accompagnées par les cornes de brume. Mais ce sont les drapeaux rouge et bleu qui se déployèrent synchroniquement qui m’impressionnèrent le plus. Je ne serai pas de ces enfants que l’on emmène presque de force au stade et qui se retrouvent quelques minutes après le coup d’envoi à courir en bas des tribunes contre les grilles de protection, se désintéressant totalement du jeu. Je ne manquais pas une miette du spectacle, aussi fascinant autour de moi que sur le terrain. Les cris, chants, insultes envers l’équipe adverse, invectives à l’encontre de l’arbitre, je les faisais miens presque instantanément.

Teddy Bertin ouvre le bal

Cette soirée fut inoubliable. Plus de vingt ans après, je me souviens encore parfaitement de ce coup franc tiré par Teddy Bertin, s’y reprenant à deux fois après une première frappe écrasée terminant dans le bas du mur de défenseurs adverses, réajustant sa coiffe alors que l’arbitre lui donnait une seconde chance d’ajuster la mire ; le minot amiénois faisant fi des quolibets de ses supposés partisans, prouvant déjà cette hargne qui allait le suivre tout au long de sa carrière. Il fit parler la puissance de son pied droit pour transpercer cette fois-ci le mur adverse et mystifier Hochart le gardien Calaisien, n’ayant pu esquisser le moindre geste et qui allait connaître, en ce 13 mai 1991, un véritable supplice.

La première célébration

À peine plus d’une minute de jeu et le Kop Amiénois entrait déjà en ébullition. Une âme bienveillante, qui s’était prise d’affection pour ce petit supporter en herbe que je devenais déjà, me permit même d’assister à la célébration de joie des hommes d’Hugues Jullien, recouvrant presque totalement le premier héros de la soirée, en me soulevant sans ménagement à hauteur de ses épaules.

Bertin, Baî, Jarolim, Baticle…

Teddy Bertin n’allait pas s’arrêter en si bon chemin et irradia de son talent la rencontre, marquant un second but après ceux de Karel Jarolim et de Théodor Baî et offrant en seconde mi-temps, après une percée fulgurante sur l’aile gauche, un caviar à Gérald Baticle pour la cinquième et dernière réalisation amiénoise. L’ASC l’emporta 5 à 0 face au CRUFC (Calais Racing Union Football Club), et un nouveau supporter de l’ASC venait de naître. Une double victoire pour mon père qui ne se lassait pas de m’entendre narrer à ma mère – les yeux pétillant d’émotion, encore remplis de toutes ces images inédites pour moi et, sans cette réserve qui pourtant, enfant, me caractérisait – mon expérience sous tous les angles, pendant que nous faisions croustiller le pain et y étalions le beurre. Pourtant, le football était avant cette soirée, bien loin de mes premières préoccupations.

Magie noire… et blanche !

Bien qu’il avait tenté plusieurs années auparavant, en vain, de me mettre un ballon entre les pieds – je n’avais su que faire de cette lourde protubérance de cuir qui, plus que de me procurer du plaisir à tenter de la maîtriser, s’avéra douloureuse pour mes frêles articulations de gosse, douleur au moins aussi grande que la déception de mon père me voyant lui préférer sans aucun état d’âme, une reproduction du solide destrier spatial d’Uysse 31 et le combat farouche nous opposant aux vaisseaux tridents envoyés par les Dieux de l’Olympe, le ballon ayant été astucieusement transformé en astéroïde toujours prompt à tenter de le détruire.

Pourtant, il ne fallut que quelques rencontres au milieu de cette horde de fans déchaînés (toute proportion gardée, je n’avais, il est vrai, que peu de référence en la matière), de ce rustre groupuscule se faisant et se défaisant aussi rapidement au gré des rencontres, et qui n’aurait pourtant logiquement dû ne provoquer en moi qu’intimidation, ne susciter que de la crainte voire du rejet, et dans lequel, je ne sais expliquer encore aujourd’hui par quel phénomène étrange je m’étais engagé, sans aucun remords et pour longtemps.

À jamais Amiénois

À l’approche du match suivant, j’en redemandais. Peine perdue, l’ASC venait de remporter son dernier match de la saison à domicile. Le club paracheva la semaine suivante son retour dans l’antichambre de l’élite du football français grâce à un dernier match nul en Normandie contre les réservistes du Havre (1-1, but amiénois de Christophe Leroy). La greffe avait cependant parfaitement réussi et c’est ainsi, que de fil en aiguille, je débutais mon apprentissage. C’est aussi à ce moment qu’une part de mon enfance disparut, quelques ritournelles qui tournaient encore de temps à autre dans ma tête étant définitivement remplacées par le leitmotiv du Kop de Moulonguet : « A…,M…,I…,E…,N…,S…, AMIENS, AMIENS!!! ».

Et vous, vous rappelez vous de votre première fois au stade ?

Alors, à vos commentaires !!

Cédric QUIGNON

Un commentaire

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  1. Moi mon premier match c’était dans le stade moulonguet Amiens contre Laval avec le kop et ensuite j’ai continuer à supporter Amiens mais mes plus beau souvenir sont la saison avec Mr Denis Troche une superbe saison de national une final de coupe de france et tout se temps passer avec passion le kop en tribune Nord qui s’appeler à se temps la les vikings une superbe ambiance quon donner à chaque match tifo fumigène etc… sa restera à jamais graver dans ma mémoire

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