Ultime renfort du mercato estival de l’Amiens SC, Nordine Kandil est également celui qui suscite le plus d’attentes. Sortant d’une belle saison à Annecy, le meneur de jeu de 22 ans est censé prendre la suite de Gaël Kakuta en Picardie. Un challenge à la portée de l’Alsacien ? Découverte.
A Amiens pour confirmer
S’il s’est fait connaître du grand public à Annecy la saison dernière, c’est bel et bien à Strasbourg, là où il est né, que Nordine Kandil a découvert le football. « Il a passé seize années de sa vie au Racing, il est arrivé au club à cinq ans. Il est né à Strasbourg, il a grandi dans le quartier du stade, la Meinau. Depuis le dernier étage de son bloc, on aperçoit le stade, glisse Guillaume Vague, scout suiveur du Racing. Il est à 600-700 mètres de là. Il y a un city stade juste à côté qu’il fréquentait très souvent, c’est là-bas qu’il a appris à dribbler. »
S’il reconnaît que « l’histoire est très belle », Guillaume Vague estime que le contexte strasbourgeois a également pu le desservir à un moment donné. « Il avait son cocon, son entourage, son quotidien de quartier. Son année en prêt à Annecy, où il a été très bon, lui a fait le plus grand bien. Il a tout repris de zéro, quitté son cocon pour aller chercher une nouvelle vie. C’est un enfant de Strasbourg, mais je n’attendais que ça : qu’il parte de Strasbourg pour pouvoir vraiment exprimer tout son potentiel. C’était un besoin pour lui. »
Et une bénédiction pour Annecy, qui a pu profiter de son talent à moindre coût pendant un an. « Il a fait une superbe saison en prêt chez nous. Ç’a été un des rares joueurs à être un minimum bon en permanence, même lors des moments très compliqués de la saison, constate Hugo, créateur du compte autour du FC Annecy “Rouges & Blancs 74”. Il a montré qu’il avait l’étoffe d’un titulaire en Ligue 2. Il va devoir confirmer cette saison avec un bon club, qui peut jour le top 5, qui a plus ambition qu’Annecy, un plus gros budget et de meilleures infrastructures. »
Un meneur de jeu plutôt qu’un ailier ?
Reste à définir le rôle que Nordine Kandil va désormais occuper à Amiens, urgemment en quête d’un leader technique. « A Annecy, c’était plus un ailier, très rapide et percutant, précise le suiveur du club haut-savoyard. Il a surtout joué à gauche car en étant gaucher, c’est plus simple pour lui de centrer. » Un rôle auquel il ne faut pas cantonner le joueur selon Guillaume Vague, qui est également scout pour la franchise de jeu vidéo Football Manager.
« Il est plutôt polyvalent. Il est capable de jouer à gauche, à droite, dans l’axe en tant que numéro 10. Maintenant, ce n’est pas parce qu’il peut jouer à d’autres postes qu’il y est forcément bon, assène notre observateur venu d’Alsace. Son registre préférentiel, c’est en tant que numéro 10 ou, à la limite, sur le couloir droit, ce qui lui permet de repiquer sur son pied gauche. Mais la meilleure manière pour lui de s’intégrer au collectif, c’est en numéro 10 dans ce 4-2-3-1 qu’utilise Omar Daf. »
Histoire d’être encore plus précis sur le profil de Nordine Kandil, Guillaume Vague se prête au jeu des comparaisons avec un autre joueur de Ligue 2, capable lui aussi d’évoluer à plusieurs postes sur le front offensif. « C’est un joueur que j’identifie à Ilan Kebbal (le joueur du Paris FC, ndlr), c’est le même phénotype. Il a un profil qui fait qu’on le reconnaît très vite sur le terrain : touffu, centre de gravité très bas, ultra-vif dans les changements d’appuis avec une motricité qui rappelle celle de Messi, toutes proportions gardées évidemment. Il est très, très fort dans le un-contre-un. »
Techniquement au-dessus de la moyenne
De quoi mettre l’eau à la bouche des supporters de l’Amiens SC, qui ne demandent désormais qu’à le voir à l’oeuvre. Dans tous les cas, Omar Daf semble enfin disposer du deuxième dynamiteur offensif espéré depuis de longs mois, sortant ainsi de la Leautey dépendance. « Il provoque sans cesse, déséquilibre les blocs. Le meilleur moyen de lui prendre le ballon, c’est tout simplement de faire faute, ironise Guillaume Vague, également fondateur de la structure Touche de Balle.
« Il a le ballon qui colle au pied avec des petits appuis et un centre de gravité bas, donc quand tu le touches, il tombe. Ce qui m’impressionne chez lui, c’est sa qualité technique intrinsèque balle au pied. Je pense que je n’ai jamais vu un joueur aussi fort balle au pied, s’enflamme même notre témoin. Il a le ballon qui colle au pied avec des petits appuis et un centre de gravité bas. La créativité et l’inspiration qu’il a pour essayer de faire la différence et de gagner ses duels sont très déroutantes. A Strasbourg, c’était le plus grand talent de sa génération. »
Un diament qui reste à polir
Pour autant, Nordine Kandil n’est pas le joueur parfait, sans quoi il ne serait sûrement pas à Amiens aujourd’hui. « Ce serait se tromper d’attendre d’un Nordine Kandil une grande rigueur défensive. Physiquement, il a du mal à résister au duel. Selon la manière d’arbitrer, ça va lui desservir ou l’avantager. Un arbitrage à l’anglaise peut le neutraliser. Quand il était jeune, il lui arrivait de faire des coups du sombrero alors que le ballon était au sol, on ne sait trop pourquoi, se remémore Guillaume Vague. C’est aussi un défaut de ses qualités, où il peut gagner en simplicité en gommant ces gestes un peu superflus, même s’il a beaucoup progressé sur ce point au fil des années. »
Enfin, le nouveau numéro 10 de l’Amiens SC peut aussi parfois pécher par excès d’altruisme. « C’est un très bon tireur de coups de pied arrêtés, mais sa vraie qualité, c’est la passe. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’il marque, et je pense même que ça ne l’intéresse pas plus que cela, prévient le scout pour la franchise de jeu vidéo Football Manager. Même devant des cages vides, il peut trouver le moyen de faire une passe. C’est peut-être aussi un axe de progression : la finition, être plus tueur dans la surface et parfois prendre ses responsabilités au niveau du tir, même si cela dénote d’un état d’esprit collectif. »
Un talent qui ne demande qu’à éclore
Une fois ce tableau dressé, une question demeure en suspens : pourquoi Strasbourg a accepté de séparer de manière définitive d’une telle pépite ? Là encore, Guillaume Vague ne manque pas d’éléments de réponse : « Étant gamin du club, il a une grosse cote de popularité à Strasbourg même si certains étaient agacés – à juste titre – par ses blessures. C’est un magicien balle au pied, il te fait lever de son siège, il te transmet des émotions, et le foot est un vecteur d’émotions. Tu te reconnais aussi à travers sa vie. C’est presque une star pour les gamins des quartiers de Strasbourg, ils s’identifient facilement à lui. Maintenant, personne ne va regretter son départ dans le sens où tout le monde est lucide sur le fait que, pour la Ligue 1, c’est peut-être un peu léger. Physiquement, il est petit et tout fin, donc difficile de s’imposer en Ligue 1. »
D’autant qu’Amiens semble le point de chute idéal pour un Nordine Kandil en quête d’affirmation. « Il va s’en sortir. C’est un bon club, structuré, avec de bonnes infrastructures. C’est un club établi de Ligue 2. Franchement, il a absolument tout dans les pieds et, je pense, aussi dans la tête pour qu’il puisse s’imposer et gagner le cœur des Amiénois, pronostique le scout suiveur de Strasbourg. Maintenant, on va lui souhaiter de ne pas retomber dans ses travers, de ne pas se re-blesser, son style de jeu et son gabarit l’exposent à plus de blessures. Il peut vite se faire des grosses entorses avec sa souplesse, ses appuis, sa tonicité. Avec sa vivacité, le moindre contact peut faire mal. Mais je suis persuadé que c’est un excellent choix d’aller à Amiens. »
Un plafond de verre déjà connu ?
Et si cela pourrait s’apparenter à un simple tremplin avant de retourner voir plus haut, Guillaume Vague a encore quelques réserves à ce sujet : « Il a clairement le potentiel pour s’imposer en Ligue 2. S’il le fait, il aura forcément une chance en L1. Pour moi, à l’heure actuelle, il est encore un peu léger pour la L1. Même en termes de potentiel, je ne le vois pas forcément y revenir. On en revient au parallèle avec Ilan Kebbal : il a beau crever l’écran en Ligue 2, il ne passe pas à l’étape supérieure. Faire une très belle carrière en Ligue 2, c’est déjà faire une très belle carrière. En espérant qu’il me fasse mentir et qu’il revienne en force en Ligue 1 dans les prochaines années, voire dès la saison prochaine. »
Quoi qu’il en soit au sujet de la trajectoire de carrière de Nordine Kandil, notre grand témoin insiste sur la qualité intrinsèque du joueur. « C’est un gamin qui a de l’or dans les pieds, un profil très rare. Il y a beaucoup de joueurs techniques en centre de formation, mais il est encore à un niveau au-dessus. Et les comparaisons que je fais ne sont pas anodines. C’est un bon petit. A Strasbourg, on ne souhaite que du bonheur pour “Nono”, comme on l’appelle. » Nul doute que les débuts de Nordine Kandil avec Amiens, vendredi à Annecy – clin d’œil de l’histoire, seront suivis de près en Alsace.
Romain PECHON et Enzo PAILOT
Crédits photo : Daniel Derajinski/Icon Sport
Espérons qu’il va aller souvent dans les 18 m balle au pied, pour l’arrêter, il faut faire une faute !
Très bel article sur Nordine…..Un vrai footballeur, comme dit Omar……Je pense qu’il peut devenir, avec Léautey, et comme Buron en son temps, le chouchou de la Licorne…..On n’attend que ça…….