Tout au long de la saison, Mathieu Dubrulle nous livre son opinion sur les performances de l’Amiens SC dans la chronique intitulée le Débrief. Ce lundi, notre confrère de France Bleu Picardie revient sur la défaite à Annecy, au terme d’une prestation ratée sur toute la ligne.
Mathieu Dubrulle, parvenez-vous à expliquer cette déroute de l’Amiens SC à Annecy ?
Je n’ai toujours rien compris au match de l’Amiens SC à Annecy. Déjà, le manque de détermination, qui est la base. Au mois d’août, on nous dit : « on va à Furiani, on sait à quoi s’attendre, on aime jouer dans ce genre d’ambiance ». Résultat, on se fait rentrer dedans dès le coup d’envoi. A Annecy, dans un tout autre contexte, on sait qu’on va tomber sur un adversaire agressif. Et pourtant, on se fait encore rentrer dedans. C’est le parallèle à faire sur ces deux matches et le véritable problème à résoudre. Dans l’approche des matches, Amiens se voit trop beau. Les vertus de la Ligue 2, c’est se mettre minable, que ce soit contre les gros ou les petits. Et ça fait des années qu’Amiens ne sait pas le faire contre Pau, Rodez, Concarneau, Quevilly ou encore Annecy. Chaque année nous offre des exemples supplémentaires, ce n’est pas possible. A un moment donné, ça en devient même gênant.
Je n’ai rien compris non plus à la stratégie d’Omar Daf. A partir du moment où on retrouve très logiquement Mamadou Fofana et Louis Mafouta remplaçants, et Frank Boya et Andy Carroll devant, j’attends des centres, un jeu plus direct. On n’a rien eu de tout ça, ils n’ont pas été alimentés de la sorte, alors qu’il y avait normalement des pourvoyeurs de ballons avec en première lame Nordine Kandil et Antoine Leautey, en seconde lame Sébastien Corchia et Rémy Vita. Pourtant, on a voulu relancer court alors qu’on se faisait peur avec un vrai déchet technique. Amiens n’a pas su s’adapter à l’adversaire qui a proposé un pressing très haut et très intense, ni aux forces en présence sur le terrain. Les deux géants n’ont jamais été utilisés comme des points de fixation, qui pouvaient dévier des ballons, jouer dos au mur ou dans la surface.
Quand bien même il y a eu de rares occasions, Amiens a eu tout faux sur ce match. Quand tu manques d’agressivité, que tu n’es pas présent dans le défi physique et que tu fais preuve de lacunes techniques, tout ça avec un plan de jeu pas adapté, tu fais ce genre de match. Tu as voulu imposer tes qualités techniques à un impact physique, tu as perdu le bras de fer à plates coutures.
Dès lors, comprenez-vous les analyses tout en mesure des acteurs de ce match, qui ont eu le sentiment que le score était plutôt sévère ?
Ils se raccrochent aussi à des choses positives, parce que tout n’est pas à jeter. C’est vrai que sur un malentendu, comme l’an dernier avec ce lob extraordinaire d’Andy Carroll, tu peux envisager de revenir à 1-1 en début de seconde période. Sur le papier, c’est une équipe à notre portée et c’est un gâchis de perdre ce match. Sur le terrain, Amiens était trop loin d’Annecy, une équipe composée de joueurs qui ont joué pendant 13 ans à Louhans-Cuiseaux, avec tout le respect que je peux avoir pour ce club qui me rappelle de bons souvenirs. Ce n’est plus une histoire de CV, c’est une histoire d’état d’esprit. A un moment donné, ce n’est pas possible de faire preuve d’une telle suffisance.
On arrive chez un club plus modeste, on va déployer notre jeu, réciter notre football… A un moment donné, il ne faut pas oublier d’y mettre les ingrédients en termes d’envie et d’intensité. Cela a manqué de grinta, de détermination, de volonté. Des valeurs qu’on est en droit d’attendre en Ligue 2 sur des matches compliqués comme ça. Il faut qu’Amiens sache aussi gagner des matches avec un football sale. On ne peut pas toujours être flamboyant. Cette équipe doit aussi accepter d’aller au charbon dans ce genre de match. Il y a aussi des faillites individuelles, à l’image d’Owen Gene, Mohamed Jaouab voire Andy Carroll. Je ne parle même pas d’un Osaze Urhoghide qui ne saute pas dans les duels.
C’est agaçant qu’Amiens ait besoin d’être dans la peau du petit, qui doit faire l’exploit, pour voir cette équipe se sublimer. Dès qu’il faut endosser le costume du favori, du patron, c’est beaucoup plus compliqué. Les années passent, les entraîneurs et les joueurs aussi, et il y a toujours cet esprit qui fait qu’Amiens arrive la fleur au fusil, donne le sentiment d’être dans une sorte de confort. C’est d’autant plus important qu’il faut rappeler à tout le monde qu’Amiens va jouer le maintien cette année. Ramener un point d’Annecy, c’était aussi priver un concurrent direct de deux précieux points. Pour toutes ces raisons, c’est vraiment une défaite agaçante.
Qu’avez-vous pensé des premiers pas de Nordine Kandil ?
Il a répondu à mes attentes. On a vu un joueur dans la lignée de son discours à son arrivée. Il est très motivé, actif, n’a pas peur de participer au jeu. C’est un joueur très mobile, qui est déjà prêt. Il a une belle occasion. C’est l’histoire d’un premier match, ses retrouvailles avec Annecy ont sans doute pu le motiver encore un peu plus. Il y a encore des réglages à faire, il a aussi beaucoup permuté, n’hésitant pas à revenir dans l’axe. Attention à ce qu’il ne s’éparpille pas trop. Cela reste un joueur très prometteur, certainement une des seules satisfactions de ce match. Maintenant, il faut trouver la bonne formule pour bien l’utiliser. Je reste persuadé que c’est une bonne pioche.
Propos recueillis par Romain PECHON
Rendez-vous dès 18 heures sur France Bleu Picardie, autour de Mathieu Dubrulle, pour une nouvelle émission La Tribune consacrée pour débattre autour de l’actualité de l’Amiens SC.
Crédits photo : Sandra Ruhaut/Icon Sport